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quitter Steventon et de nous installer à Bath ». Jane qui ne savait presque rien de ce projet éprouva à cette nouvelle une surprise si grande qu’elle s’évanouit. [1] En dépit de ses petits mouvements d’humeur et tant qu’elle s’était cru destinée à passer sa vie à Steventon, elle avait aimé la vieille maison, le pays, tout ce qui, dans son village natal et dans les environs, était associé à ses souvenirs d’enfance. Dans la dernière lettre écrite avant de connaître les intentions de ses parents, elle avait parlé <lu jardin et s’était demandé comment disposer d’un nouveau morceau de terrain à droite de la grande allée d’ormes. « Vaudrait-il mieux en faire un petit verger en y plantant des pommiers, des poiriers et des cerisiers, ou le garnir de mélèzes, de frênes et d’acacias. Qu’en dites-vous ? Moi,je ne dis rien et suis prête à être de l’avis de tout le monde ». [2] La question de cette nouvelle plantation l’intéressait, quoiqu’elle s’en défendit, car elle aimait la campagne de cet amour qu’on rencontre si fréquemment en Angleterre, avec cette affection fraternelle, cette tendresse qui donnent un accent unique à tout ce que la nature a inspiré aux écrivains anglais. On a vu comment, si indifférente à de plus grands maux, elle déplorait la destruction des « beaux ormes chéris » du jardin. Le plaisir qu’elle goûtait à admirer la beauté d’un paysage était tel qu’elle le plaçait « parmi les délices qu’on doit connaître au paradis ». [3] Aussi, l’idée de quitter Steventon, l’horizon familier de ses paisibles collines, les fleurs, les arbres et les pelouses du presbytère, lui causa-t-elle tout d’abord une peine très grande. Mais cette peine s’effaça bien vite. Redoutant d’instinct toute émotion assez forte pour détruire l’équilibre de sa nature orientée spontanément vers la joie, elle accepta, avec une rapidité qu’on serait tenté de trouver extrême, la pensée d’un départ.

  1. Jane Austen, her homes and her friends. Chap. IX. Cité d’après des papiers de famille.
  2. Lettres. 20 novembre 1800.
  3. Jane Austen, her homes and her friends. Chap. IX.