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heure où une existence trop étroite commençait à lui peser, n’était plus sans avoir vu souffrir autour d’elle. La vie de sa sœur avait été assombrie par un cruel événement, et si réservée, si secrète que fut Cassandre Austen, ceux qui l’aimaient — et Jane la première — avaient pu deviner quelque chose de sa souffrance. Cassandre Austen avait été fiancée à un jeune clergyman, ancien élève du pasteur. Pour obtenir plus tôt une situation qui lui permit de se marier, le jeune homme avait sollicité et obtenu le poste de chapelain d’un régiment commandé par un de ses parents, lord Craven. Le régiment fut envoyé aux Indes Occidentales où, au bout de quelques mois, le jeune homme mourut de la fièvre jaune. Avec son fiancé. Cassandre Austen vit disparaître sa jeunesse et demeura toujours fidèle au souvenir de l’ami d’enfance auquel elle s’était promise. Il ne reste dans la correspondance aucune allusion à cette triste et simple histoire, si ce n’est, dans une lettre de 1796, une brève phrase au sujet d’une amie qui croit Cassandre « très occupée à préparer ses toilettes de noces ». [1] Mais une lettre de Mme de Feuillide, datée de mai 1797, nous donne quelques détails sur l’événement : « Toute la famille est frappée par un coup si cruel, et surtout la pauvre Cassandre que je plains de tout mon cœur… Jane m’écrit que sa sœur fait preuve en cette circonstance d’un empire sur soi-même dont une àme moins noble serait incapable ». [2] Les deux sœurs étant si tendrement attachées l’une à l’autre, le deuil de Cassandre ne fut pas sans influer, passagèrement au moins, sur le caractère de Jane.

À son insu peut-être, Jane Austen souhaitait changer de milieu. Son souhait se réalisa de la façon la plus inattendue. Vers la fin de 1800, un jour que Cassandre et Jane rentraient au presbytère après avoir fait ensemble une promenade, leur mère les accueillit en leur disant : « Tout est décidé, mes enfants, nous avons résolu de

  1. Lettres. 1er septembre 1796.
  2. Jane Austen, her life and her letters. Page 103.