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d’elle-même pour faire semblant de trouver agréables ses visites aux pauvres ; elle les fait car elle reconnaît là une de ses obligations de personne bien née et de fille de pasteur. Elle juge cependant odieux et ridicule qu’une femme de qualité fasse de la supériorité de son rang l’usage qu’en fait Lady Catherine de Bourgh, d’« Orgueil et Parti pris ». Lady Catherine, « toutes les fois qu’il y avait chez les paysans des querelles de ménage et lorsqu’ils se plaignaient trop fort ou tombaient dans une trop grande misère, faisait une rapide incursion au village pour régler les différends, faire cesser les plaintes et, en administrant une verte semonce aux coupables, ramener chez eux la bonne entente et le bien-être ». [1]

Jane Austen n’a aucun envie de s’arroger de tels droits, mais elle estime suffisant de réduire la charité aux limites strictes de la bienséance. Elle va d’une chaumière à l’autre parce qu’elle se doit à elle-même d’être secourable et bienveillante envers ses inférieurs. Puis, cette corvée terminée, elle rentre au presbytère pour s’occuper de choses plus intéressantes. Elle confie à Cassandre qu’elle a mieux résisté qu’elle ne l’aurait cru « à la terrible épreuve de se faire faire des toilettes » et, tout en lui disant « Vous savez combien il me déplaît de décrire les robes que je porte », se lance dans une description minutieuse de la forme qu’elle a choisie pour une nouvelle robe de bal « assez semblable à cette bleue que vous jugez si seyante ». À chaque nouvelle lettre apparaissent de nouveaux chiffons : « Ce matin j’ai changé d’avis et j’ai changé aussi les garnitures de mon bonnet. Elles sont maintenant telles que vous m’aviez conseillé de les mettre. J’ai senti que je ne pourrais goûter aucune vraie satisfaction si je restais insensible à vos avertissements ».

  1. Orgueil et parti pris. Chap. XXX.