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d’une ardente gratitude, mais elle n’était pas tentée de manifester sa joie, de parler, de sourire. Tout en Ellinor était satisfaction, mais satisfaction muette et forte ». [1]

Cependant, si l’analyse psychologique a une grande valeur, l’œuvre demeure inférieure dans son ensemble à « Orgueil et Parti pris ». « Bon Sens et Sentimentalité » n’a point de personnages qui atteignent à l’intensité de vie d’une Elizabeth Bennet ou d’un révérend Collins. Ellinor est une figure un peu terne ; elle ne séduit pas bien qu’elle soit plus cultivée, plus affinée que l’héroïne d’« Orgueil et Parti pris ». Une chose lui manque, qui est malheureusement capitale : le charme. Tout au plus peut-on lui trouver le mérite négatif de n’être jamais ennuyeuse dans son rôle ingrat de personne invariablement raisonnable, prudente et pondérée. Elle fait toujours entendre sa voix en faveur de la sagesse mais elle ne prêche point, elle se contente de conseiller. Et puisqu’elle est sage sans être prêcheuse, Ellinor Dashwood mérite d’être signalée comme un type nouveau de l’héroïne dans le roman anglais. Jusqu’à « Bon Sens et Sentimentalité », l’héroïne « sage et vertueuse » a le défaut de parler à l’occasion — et l’occasion naît souvent — de sa propre sagesse et de sa propre vertu. Avec une réserve admirable et un sens du ridicule qui sont alors choses nouvelles, Ellinor Dashwood, au lieu de se vanter de ses perfections, observe les folies, les sottises où des défauts étrangers à sa nature peuvent entraîner les autres. Son « bon sens » se plaît à étudier les effets de la « sentimentalité » et de l’enthousiasme chez sa sœur Marianne. « Eh bien ! Marianne, dit Ellinor aussitôt que Willoughby les eut quittées, pour une seule matinée, vous avez assez bien travaillé ! Vous vous êtes informée des opinions de Mr. Willoughby sur toutes les questions importantes. Vous savez ce qu’il pense de Cowper

  1. Bon Sens et Sentimentalité. Chap. XLIII.