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musicienne. Anne de même, si sa santé lui avait permis de s’y appliquer. Je suis bien sûre qu’elle aurait joué d’une façon délicieuse… Je dis très souvent à toutes les jeunes personnes qu’on ne peut arriver à avoir un jeu parfait sans un travail constant. J’ai déjà dit plusieurs fois à Miss Bennet qu’elle ne jouera jamais très bien si elle n’étudie pas davantage et que, puisque Mme Collins n’a pas d’instrument, je lui permets très volontiers de venir étudier à Rosings sur le piano dans la chambre de Mme Jenkinson. Elle ne générait personne, de ce côté du château ». [1]

Les jeunes sœurs d’Elizabeth n’ont qu’un rôle très effacé dans la délicieuse comédie que jouent ces différents personnages, mais quelques mots suffisent pour évoquer leur physionomie et peindre leur caractère. Nous connaissons Lydia et Kitty par le plaisir qu’elles éprouvent à parler et à rire si haut qu’on pourrait les entendre à dix lieues, et la docte et laide Mary par son désir de dire des choses si profondes, qu’il lui faut un temps infini pour arranger ses idées et les présenter à un auditoire émerveillé sous forme de belles maximes.

S’il est facile de citer, en feuilletant le roman, mainte scène humoristique, maint croquis tracé d’une plume spirituelle, on ne pourrait cependant rien retrancher au récit sans nuire à l’harmonieuse proportion de l’ensemble. La vérité des situations et du dialogue est telle que les personnages du roman deviennent bientôt pour nous des figures familières, et que les Bennet, Mr. Collins ou Lady Catherine, revêtent à nos yeux l’aspect des gens rencontrés dans la vie réelle. Jane Austen éprouva d’ailleurs à l’égard des personnages qu’elle avait créés quelque chose de l’illusion procurée au lecteur. L’attitude impersonnelle qu’elle avait adoptée pour ses études de caractères lui rendait facile de considérer ses héros comme indépendants d’elle-même et de voir en leurs actions comme le résultat d’une nécessité qu’elle se contentait d’exprimer. Aussi est-

  1. Chap. XXX.