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CHAPITRE III


Les années fécondes. « Orgueil et Parti pris »
et « Bon Sens et Sentimentalité ».


Après un séjour de quelques semaines à Godmersham-Park où habitait alors son frère Edward, Jane Austen revint à Steventon en octobre 1796. Cette visite dans un milieu plus aristocratique que son milieu habituel fut une préparation excellente à l’œuvre qu’elle commença dès son retour au presbytère. Parmi la société qui fréquentait chez le châtelain de Godmersham, la jeune fille trouva sans doute plus d’un caractère intéressant à étudier et plus d’une petite scène qu’elle utilisa, en la transformant, pour l’exquise et alerte comédie de la vie de province, d’abord intitulée « Premières impressions », que nous connaissons sous le nom d’« Orgueil et Parti pris ». Le contraste entre la vie plus active qu’elle avait menée à Godmersham et le silence de la maison paternelle dut aussi incliner la jeune fille à un travail dans lequel elle allait trouver un refuge contre l’ennui des longues soirées d’hiver. Par sa forme, par le développement de l’intrigue et la variété des caractères, l’œuvre nouvelle était différente de tout ce qu’elle avait écrit jusqu’alors. Si peu que nous sachions des circonstances dans lesquelles le roman fut commencé, une chose est certaine : il fut écrit d’un seul jet dans une sorte d’impatiente et heureuse fièvre de création et, en août 1797, l’auteur mit le mot « Fin » à sa dernière page. Tant que l’œuvre ne fut pas terminée, une seule personne au presbytère fut dans la confidence du jeune écrivain. Les deux filles du pasteur avaient coutume de travailler dans une pièce du premier étage qu’on appelait « dressing-room » et qui était plutôt une sorte de salle d’études