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et trop sensée pour ne pas savoir que, si sa nièce est vraiment éprise, les conseils lui seront inutiles, Jane essaye toutefois de définir les nuances de sentiments que Fanny est incapable de saisir elle-même.

« Si vous l’épousez, je n’ai plus d’inquiétude ; avec le mérite qu’il possède, vous l’aimerez bientôt assez pour votre bonheur à tous deux. Mais je redoute de voir se prolonger entre vous cet engagement qui n’a rien de définitif…. Vous l’aimez assez pour l’épouser, mais pas assez pour attendre ». [1]

Parfois, les hésitations de « l’étrange petit cœur » dont elle connaît les doutes et les caprices lui inspirent une involontaire exclamation : « Quelles singulières créatures nous sommes ! On dirait que l’assurance de son attachement vous a rendue indifférente… Il est à votre égard ce qu’il a toujours été, mais laisse mieux voir ses sentiments. Voilà tout ce qu’il y a de changé… Ma chère Fanny, ce que j’écris là ne vous servira de rien. D’un instant à l’autre, je change d’avis; un moment, je suis tentée de prendre un ton désolé; une minute après, j’ai envie de rire de toute l’affaire ». [2]

Lorsque Fanny envoie à sa tante « l’histoire de sa vie » et lui parle d’un nouveau prétendant, Jane Austen répond :

« Vous êtes inimitable, irrésistible. Vous faites le charme de ma vie. Quelles lettres délicieusement amusantes vous venez de m’envoyer ! Elles peignent si bien votre étrange petit cœur et révèlent de si charmante façon le pouvoir de l’imagination! Vous valez votre pesant d’or ou même de monnaie d’argent toute neuve. Je ne saurais vous dire l’impression que j’ai ressentie en lisant votre histoire. Quels n’ont pas été ma sympathie, ma sollicitude, mon amusement et mon admiration ! Vous unissez en vous, et au suprême degré, tout ce qu’on peut

  1. Lettres. 30 novembre 1814.
  2. Lettres. 30 novembre 1814.