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qu’elle avait choisie avec l’expérience de son âge et le zèle d’une débutante, sans se demander si la liberté et la spontanéité n’étaient pas les conditions indispensables à la production d’une œuvre de quelque valeur, qu’elle n’avait pas encore compris qu’il lui suffisait de s’abandonner à son instinct et qu’au lieu de se guinder dans l’imitation elle devait laisser son talent suivre sa pente naturelle. Par un scrupule d’écolière trop consciente de sa jeunesse et de son ignorance, elle crut qu’elle devait suivre la voie indiquée par des maîtres tels que Richardson et Miss Burney et copia diligemment leur forme et leurs procédés. Décrire ses personnages au lieu de leur permettre de se révéler dans le jeu de leur activité, se contenter pour le développement de l’action d’une progression oblique et indirecte ainsi que l’impose la forme épistolaire, était assez pour entraver l’élan de son imagination, éteindre la vivacité de son style et émousser son ironie. Le pouvoir de vision objective, le talent de présentation dramatique d’un sujet qu’elle va bientôt déployer dans « Orgueil et Parti pris » et qu’elle possédait déjà sans doute, ne purent se manifester dans cette série de lettres. Voulant peindre ses personnages sous un angle si différent de celui où ils lui apparaissaient, elle arriva à reproduire non pas la réalité vivante, mais seulement son image pâlie et lointaine. Malgré le zèle qui l’avait poussée à imiter les procédés de ses auteurs de prédilection, elle ne put aller au bout de sa tâche. Après la quarante et unième lettre, — ce qui avec Richardson aurait tout juste suffi aux préliminaires de l’action, — elle n’a plus la patience ni le courage de continuer ; une hâtive conclusion, sous forme de narration impersonnelle, nous apprend que la correspondance ne se poursuivit pas « au grand détriment des revenus de la poste, à cause de la réunion de quelques uns des correspondants et de la séparation de quelques autres ». Après avoir déclaré que Frédérique devint par la suite la femme de Réginald, l’auteur ajoute avec une réserve où s’exprime