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et le portrait pourrait être le sien. Cependant, on sait que Zoffani, après un voyage aux Indes Orientales, revint à Bath en 1790 et que Jane Austen passa quelque temps chez son oncle l’année suivante. Comme rien ne prouve que la toile en question représente Miss Austen de Kippington plutôt que Miss Austen de Steventon, on peut lui conserver le titre, sous lequel elle est connue, de « Portrait de la romancière Jane Austen ». Ce portrait dont la reproduction orne le premier volume des « Lettres de Jane Austen » et le récent ouvrage de MM. William et Richard-Arthur Austen-Leigh, nous montre une fillette de quinze ou seize ans, au visage rond et souriant, éclairé par de grands yeux étonnés. Jolie, elle ne l’est pas encore, mais elle a déjà une physionomie expressive et intelligente. Ses cheveux bruns, coupés assez court et qui couvrent presque entièrement le front, n’ont pas un ruban ; ils laissent bien voir la forme de la tête et dégagent la ligne du cou. Une robe blanche, retenue par une étroite ceinture placée très haut sous les bras, découvre le cou et la poitrine. Pour tout ornement, un médaillon suspendu à une longue chaîne. Avec une gaucherie charmante, la fillette laisse une main pendre dans les plis de sa robe, l’autre tient le long manche d’un parasol. Le portrait qui n’est pas, il s’en faut, l’œuvre d’un grand artiste, a cependant un air de vérité, de sincérité, qui touche. C’est bien là, dans cette robe de mousseline taillée à l’enfant, Jane Austen telle qu’on se l’imagine à cet âge : une petite provinciale, fraîche et gaie, toute heureuse de connaître enfin autre chose que la maison paternelle et l’horizon familier du village natal ; sur les spectacles nouveaux d’une grande ville, emplie d’une foule élégante et affairée, elle ouvre des yeux curieux et charmés. Aussi bien que dans ce portrait, on peut saisir un écho de sa joie étonnée et naïve en voyant Bath pour la première fois dans le récit des aventures de Catherine Morland. N’est-ce pas Jane elle-même qui évoque ainsi ses souvenirs lointains quand elle dit de son héroïne : « Elle était toute impatience et ravissement : ses regards