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entre Philadelphie et ses cousines Cassandre et Jane qu’elle ne connaissait pas encore. Cette rencontre eut lieu au cours d’une visite que les Austen faisaient alors à quelques parents de Londres et du comté de Kent. La réponse de Philadelphie à Mme de Feuillide a disparu, mais une lettre datée de juillet 1788 que Miss Walter adresse à son frère, contient un curieux portrait de Jane Austen à douze ans.

« J’ai fait hier la connaissance de mes deux cousines Austen… Comme il est très naturel d’avoir quelque tendresse à l’égard de soi-même, je me permets de déclarer ma préférence pour l’aînée qu’on dit me ressembler beaucoup de traits, de teint et de tournure. Je n’ai jamais été si tentée de ressentir un peu de vanité, car je la trouve vraiment très jolie. Mais il m’a semblé voir qu’elle n’était pas si flattée que moi de notre ressemblance, et cette remarque a fait taire en moi un sentiment qu’il est très naturel de ressentir mais prudent de combattre. La plus jeune (Jane) ressemble beaucoup à son frère Henry ; elle n’est pas jolie du tout et très guindée ; elle n’a pas l’air qu’on a généralement à douze ans. Mais cela n’est qu’un jugement de prime-saut et vous allez me gronder de le formuler ». Quelques jours plus tard, Philadelphie parle encore des Austen et sa première opinion à l’égard de Jane ne parait pas s’être modifiée : « Ils ont passé hier toute la journée avec nous. Plus je vois Cassandre, plus je l’admire. Jane est singulière et maniérée — whimsical and affected — ». [1]

Philadelphie tranche ici la question avec l’autorité qui sied à une jeune personne d’une vingtaine d’années quand elle parle d’une fillette de douze ans. Cependant il est difficile de penser que Jane Austen, même à l’âge ingrat, ait été « singulière et maniérée ». Sans mettre en doute l’évidente sincérité de « cousine Phila », on peut supposer qu’elle n’a pas vu Jane — et n’a pas pu la voir — sous son vrai jour. En effet, lorsque bien des années plus

  1. Jane Austen, her life and her letters. Page 59.