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un des jeunes frères de Jane, commença à suivre la chasse sur un poney qu’il avait choisi et acheté lui-même.[1] Cette liberté n’empêchait pas les enfants du pasteur d’être formés de bonne heure à un respect absolu de la volonté de leurs parents et à la plus stricte obéissance. Un passage d’une lettre de Jane Austen nous éclaire sur les rapports entre enfants et grandes personnes au temps de sa propre enfance et sur le changement des mœurs anglaises sur ce point en l’espace d’une génération. En 1807 — elle a alors trente-deux ans — elle écrit à propos de la visite d’une petite fille : « Notre petite visiteuse babille de tout son cœur. Elle est en train d’inspecter les tiroirs de mon pupitre…, elle n’est pas du tout timide, cela va sans dire… Qu’est devenue toute la timidité qu’il y avait autrefois de par le monde ? Les maladies de l’âme aussi bien que celles du corps disparaissent avec le temps et de nouvelles maladies prennent leur place. À la timidité et aux accès de fièvre ont succédé l’assurance et les attaques de paralysie ».[2] C’est évidemment chose nouvelle pour Jane Austen que de voir une enfant parler librement, jouer et remuer devant des étrangers au lieu de rester muette, les yeux baissés, assise sur le bord de sa chaise. Son étonnement indique qu’au presbytère de Steventon les enfants n’avaient pas coutume de se sentir à l’aise devant leurs aînés, et que de 1780 à 1807 les méthodes d’éducation avaient évolué d’une sévérité et d’une rigidité souvent excessives à une attitude plus indulgente et plus naturelle. Cependant, bien que Jane Austen ait été de son propre aveu une enfant timide et formée à l’obéissance, ses premières années, dans le vieux presbytère de Steventon entouré d’un beau jardin et ombragé de grands arbres, parmi ses nombreux frères, près d’une sœur tendrement chérie, furent des années heureuses. Nous ne possédons aucune révélation directe sur l’enfance et l’adolescence

  1. Memoir of Jane Austen. Page 37.
  2. Letters of Jane Austen, edited by Lord Brabourne. Vol. I. Page 325.