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L’activité de Mme Austen s’exerçait encore dans son jardin, dont elle était justement fière et qu’elle prenait plaisir à cultiver de ses propres mains. Les préoccupations mondaines, le souci de la toilette et des ajustements n’avaient qu’une place bien insignifiante dans la vie de cette femme forte, parfaite maîtresse de maison et excellente mère de famille. Pendant les premières années qu’elle passa dans le Hampshire après son mariage, Mme Austen ne porta, été comme hiver, d’autre robe qu’une amazone de drap écarlate, moins encombrante pour elle que les jupes étoffées et falbalassées alors à la mode. Telles étaient ses habitudes d’ordre et d’économie que son amazone écarlate devenue hors d’usage après de longs services, elle tailla dans les morceaux un vêtement pour son plus jeune fils.[1] Cependant, malgré la simplicité de ses goûts et la modicité des ressources dont elle disposait pour le superflu après avoir pourvu à l’entretien de sa maison et de ses huit enfants, la femme du pasteur faisait bonne figure dans la société du pays. La ménagère savait à l’occasion se montrer femme du monde et l’élégance aisée de ses manières, le charme de sa conversation, la vivacité de son esprit, étaient fort appréciés dans les châteaux d’alentour. La difficulté d’un voyage à Londres ou même jusqu’à Winchester, la plus grande ville du comté, laissait la « gentry » livrée à ses propres ressources quant aux divertissements et aux réceptions. Aussi les Austen recevaient-ils en toute saison de fréquentes invitations des châtelains du voisinage. On choisissait alors pour inviter des amis à un bal ou à un dîner les nuits de pleine lune. Les voitures parcouraient ainsi sans crainte d’accident les distances toujours assez considérables qui séparaient les habitations de la « gentry », généralement situées au milieu de grands parcs ou de vastes domaines.[2] Mme Austen faisait atteler à sa

  1. Jane Austen, her homes and her friends, by Constance Hill. Pages 31-2.
  2. Bon sens et Sentimentalité. Chap. VII