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fois la semaine et, lorsque l’occasion s’en présentait, à administrer les sacrements à ses paroissiens. Mais, à cette époque où l’Église anglicane avait si complètement perdu son prestige et son autorité spirituelle qu’un évêque pouvait écrire : « Un mépris ouvert et avoué à l’égard de la religion est devenu, par un concours de circonstances déplorables, le trait distinctif du siècle »,[1] le fait même de ne pas manquer aux plus essentielles obligations de sa charge était pour un pasteur un rare et précieux mérite. Aussi le révérend Austen fut-il bientôt cité dans le pays comme le modèle des clergymen. Chaque dimanche, il célébrait l’office, revêtu de sa longue robe noire, et lisait du haut de la chaire le sermon qui suffisait jusqu’au dimanche suivant à l’édification de ses ouailles. Les nombreux loisirs qui lui restaient, une fois l’office du dimanche terminé, étaient consacrés aux occupations les plus variées. Dès que ses enfants furent en âge de recevoir quelque instruction, il se fit leur maître, et ses fils dont deux furent envoyés plus tard à Oxford, n’eurent pas d’autres leçons que les siennes. Comme il était d’usage chez les pasteurs des campagnes, quelques pensionnaires partagèrent à Steventon pendant plusieurs années les études des jeunes Austen. L’un de ces pensionnaires, qui mourut au presbytère et que Mme Austen pleura comme son enfant, était fils du célèbre « proconsul » Warren Hastings. Le pasteur dirigea de même l’éducation de ses filles ; il enseigna à toutes deux le calcul et l’écriture. La plus jeune, Jane, apprit de lui à aimer la lecture des romans et à avouer sans la moindre fausse honte son innocente prédilection pour d’autres livres que ceux où étaient « recueillis et publiés en un volume une douzaine de vers de Milton, de Pope, de Prior, avec un article du Spectateur et un chapitre de Sterne. »[2] Le savoir et la consciencieuse acti-

  1. Archbishop Secker. Instructions au clergé du diocèse d’Oxford, 1737. Cité par G. E. Mitton dans « Jane Austen and her Times ».
  2. L’abbaye de Northanger, chap. V.