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dans ce coin perdu du Hampshire, maintes petites paroisses sont encore — ou à si peu de chose près — ce qu’elles étaient il y a plus d’un siècle.

Aussi n’est-il pas difficile au voyageur parcourant les environs de Basingstoke qu’on a si joliment appelés « Austenland » — la terre de Jane Austen, — de retourner à plus de cent ans en arrière et d’évoquer des scènes et des figures d’autrefois. Le chemin de Deane à Steventon, deux villages à sept ou huit milles de Basingstoke, était alors comme aujourd’hui, très étroit et bordé de haies vives ; il était, de plus, creusé de si profondes ornières qu’une voiture légère n’aurait pu s’y aventurer sans courir le risque de verser. La femme du révérend George Austen, recteur de Steventon, voulant rentrer chez elle après une courte absence et trop souffrante pour faire la route à pied fut, dit-on, obligée de s’installer sur une charrette emplie de meubles destinés au presbytère. Assise sur un matelas de plumes au sommet d’une pile de tables, d’armoires et de chaises, la jeune femme arriva à Steventon dans cet équipage qui semblait emprunté à quelque cortège d’un « Roman comique ». L’incommodité d’un tel mode de transport suffit sans doute à lui enlever pour longtemps l’envie de tenter d’autres pérégrinations, car, de 1771 à 1801, les Austen demeurèrent à Steventon ou ne s’en éloignèrent qu’à de longs intervalles et pour des voyages à peine plus importants que ceux du Vicaire de Wakefield passant de la chambre bleue à la chambre brune. Ce fut au vieux presbytère de Steventon — aujourd’hui depuis longtemps démoli — que Jane Austen, le septième enfant du révérend Austen, naquit en 1775, là aussi qu’elle passa vingt-cinq ans de sa vie et écrivit la moitié de son œuvre.

Le révérend George Austen appartenait à une classe privilégiée du clergé anglican de son époque, à cette classe de plus en plus nombreuse dans la seconde moitié du xviiie siècle, composée soit de cadets de nobles maisons pourvus des plus fructueux bénéfices dont pouvait disposer le chef de leur famille, soit de jeunes gens de moindre