Page:Annales de chimie et de physique, 8è série, Tome 18, 1909.djvu/32

Cette page n’a pas encore été corrigée

les chocs des grains qu'il arrête, à une pression osmotique. Si l'émulsion est diluée, cette pression pourra se calculer par le même raisonnement que pour un gaz ou une solution étendue, en sorte que, si au niveau h il y a n grains par unité de volume, la pression osmotique P sera égale à (2/3)*n*W, si W désigne l'énergie granulaire moyenne; elle sera (2/3)*(n + dn)*W au niveau h + dh. Or, la tranche de grains considérés ne tombe pas; il faut pour cela qu'il y ait équilibre entre la différence des pressions osmotiques, qui la sollicite vers le haut, et le poids total des grains, diminué de la poussée qu'ils éprouvent, qui la sollicite vers le bas. Donc, en appelant phi le volume de chaque grain, Delta sa densité, et delta celle du liquide inter-granulaire, nous voyons que:

(-2/3)*s*W*dn = n*s*dh*phi*(Delta - delta)*g,

ou

(-2/3)*W*(dn/n) = phi*(Delta - delta)*g*dh,

qui, par une intégration évidente, entraîne la relation suivante entre les concentrations n(0) et n en deux points dont la différence de niveau est h:

(2/3)*W*log(n(0)/n) = phi*(Delta - delta)*g*h,

relation qu'on peut appeler équation de répartition de l'émulsion. Elle montre bien que la concentration des grains d'une émulsion uniforme détroit de façon exponentielle en fonction de la hauteur, comme fait la pression barométrique en fonction de l'altitude.

J'ai indiqué cette équation à l'occasion de mes premières expériences (comptes-rendus, mai 1908). J'ai su depuis que, séparément, Einstein et Smoluchowski, à l'occasion de beaux travaux théoriques dont je parlerai plus loin, avalent déjà vu que la répartition exponentielle est une conséquence nécessaire du l'équipartition de l'énergie. Ils ne semblent pas d'ailleurs avoir songé qu'on pourrait réaliser dans ce sens un "experimentum crucis" décidant pour ou contre la théorie moléculaire du mouvement brownien.