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à manger à la gamelle, ce qui nous procura l’occasion et le moyen de voir les papiers publics. L’épouse du citoyen Lefebvre, notre collégue, apportait à dîner à son mari. Elle avoit le bon esprit de lui faire passer pour desserts trois pommes cuites au four. Les papiers publics se trouvaient au fond du plat. Les pomes et une espece de pate les cachoient aux yeux de nos argus. Coupé de Lannion[1] qui etoit marié dans la Caserne des Carmes et qui pouvoit savoir les nouvelles, m’annoncait en breton par une croisée qui donnait sur notre maison d’arrêt ce qu’il avait scu. Les santinelles qui se trouvaient postées dans une cour qui separe les deux prisons n’entendaient point notre langage. Voila l’esquise de ce que nous avons vu et souffert. Tu sais que notre mise en liberté a été le 3 brumaire (24 octobre) et notre réintégration dans notre poste le 19 frimaire (9 décembre)[2].

Ton mari et ami, Quéinnec, représentant du peuple
(À la citoyenne Quéinnec).


(À suivre.)



  1. Couppé de Kervennou (Gabriel-Hyacinthe), ancien sénéchal de Tréguier, conventionnel du département des Côtes-du-Nord. (V. Dict. des Parlementaires).
  2. Signalons ici une erreur de date de M. Kernéis. Il fixe la durée de « la détention en prison de Quéinnec, comme membre du Parlement, du 3 octobre 1793 au 3 brumaire de la même année ». À ce compte, Quéinnec n’aurait subi qu’une incarcération d’une vingtaine de jours, du 3 octobre 1793 (12 vendémiaire an II au 24 octobre 1793 (3 brumaire an II). M. Kernéis a voulu dire « jusqu’au 3 luminaire de l’année suivante », c’est-à-dire jusqu’au 3 brumaire an III (24 octobre 1794). Encore verrons-nous plus loin que la libération de ces députés ne fut complète que plus d’un mois après.