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avoir bâclé la Constitution de l’an iii, se soucièrent-ils médiocrement de la mettre à l’épreuve[1].


« L’exécution franche et loyale de cette loi qu’ils avaient faite, leur semblait un affreux danger ; ils ne voyaient qu’un moyen de salut : tricher sur la mise en œuvre : « Tant vaut l’homme, tant vaut la chose, disaient-ils : notre Constitution est bonne, mais à la condition que nous la pratiquerons nous-mêmes. » C’était finir comme ils avaient vécu, en vrais révolutionnaire. Pendant toute une semaine, les membres de la Convention délibérèrent sur la question de savoir s’ils se rééliraient eux-mêmes, ou s’ils se feraient élire par ordre dans les collèges électoraux. Ce fut ce dernier mode qui remporta. Il fut enjoint aux électeurs de choisir dans la Convention les deux tiers de leurs futurs élus… » [2].


Les deux tiers ? Ce n’est pas assez dire.

Le nouveau Corps législatif, en effet, devait compter 750 membres. Or, 500, les deux tiers, devaient être obligatoirement pris parmi les membres de la Convention. Quant au dernier tiers, — le nouveau tiers, — les électeurs pouvaient, à leur gré, choisir ses 250 membres soit encore dans la Convention, soit en dehors.

Voilà ce qu’avait décidé la Convention discréditée, dans son décret du 5 fructidor (22 août), que, par un agréable euphémisme, elle avait qualifié de « Loi sur les moyens de terminer la Révolution ». Impossible de déchirer d’une façon plus cynique sa volonté bien arrêtée, de perpétuer son mandat et de se cramponner au pouvoir contre la volonté expresse du pays.

Malgré les pressions de toute sorte, malgré les truquages, les collèges électoraux montrèrent pourtant assez peu d’empressement à voter pour les conventionnels, puisqu’ils n’en nommèrent que 379 seulement ; mais le cas était prévu, et le

  1. La Convention (Hist. de la Convention nationale, par M. de Barante, par M. L. Vilet, (Rev. des Deux-Mondes, 1er  oct. 1853, p. 56).
  2. « Cinquante ans environ après cette abdication de la Convention, remarque M. Vilet, une autre Assemblée souveraine (la Constituante de 1848), parvenue elle aussi, au terme de son mandat, se retirait sans mot dire, au jour fixé par la loi, déposant sa souveraineté aux mains d’une héritière élue pour la contredire et détruire presque tout ce qu’elle avait fait » (p. 51).