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proscription. Vous périssiez avec la République, votre sang couloit avec le nôtre sous le fer assassin.

Par quelle fatalité nos dangers ayant été communs, nos têtes également proscrites, notre sort est-il si différent du vôtre ? Pourquoi, ayant démasqué et combattu avec vous nos ennemis et nos tyrans communs, ne partageons-nous pas avec vous le prix de la victoire ? Pourquoi nos fers sont-ils rivés par des collègues dont le premier devoir seroit de les rompre ? »

Ils se défendent ensuite, et longuement, d’avoir été « des fédéralistes dans le sens coupable du mot » ;

« …Où sont nos correspondances, nos écrits, nos démarches pour parvenir à cette scission criminelle, contraire à nos sermens ?

Serions-nous fédéralistes, pour avoir eu le projet de dénoncer à l’universalité de nos concitoyens les attentats de quelques conspirateurs contre la liberté commune ? Serions-nous fédéralistes, quand nous aurions provoqué la surveillance de la République entière sur les entreprises d’une commune qui, chaque jour, faisait un pas vers l’usurpation de l’autorité suprême ? Serions-nous fédéralistes, quand nous aurions donné l’éveil à tous les départemens sur cette coalition criminelle qui leur préparoit des fers ?… etc. etc.

Ils protestent encore, avec véhémence, contre l’accusation d’avoir été coupables de dilapidations, eux, dont le chétif patrimoine a été altéré par leur longue captivité. Ils s’étendent sur les traitements barbares qu’ils ont soufferts avec courage, alors qu’ils étaient « traînés ignominieusement de prisons en prisons, puisqu’ils occupent la septième » alors que « le poignard des assassins était sans cesse suspendu sur leurs têtes. » Et ils terminent :

« Nous avons trop souffert, puisque nous n’avons aucun crime à expier…[1] Consolés par le recouvrement de nos droits et de notre liberté, nous aurons bientôt oublié que nous fûmes victimes des factions. Nous laisserons dans nos cachots le souvenir de nos longues infortunes. »

  1. C’est ce que répète Bohan isolément, dans une lettre au Comité de Salut public, datée du 8 vendémiaire an iii (20 septembre 1794) moins d’un mois avant sa mise en liberté. Il y dit « que les infirmités qui vont toujours croissant, depuis son incarcération, ne lui laissent entrevoir qu’une mort prochaine, et il invoque l’humanité du Comité pour se procurer les secours que son état exige ». Il ajoute : « Je ne pus croire que votre intention soit de me faire mourir dans les fers : ma conscience me dit que je ne l’ai pas mérité ».

    (Catalogue d’autographes de Charavay de 1865, n° 120, p. 17, cit. par la Bibliographie bretonne).