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et que ce dernier port échangeait contre le vin, le tabac, l’huile, et les autres productions des régions favorisées du soleil.

Des sommes considérables, provenant de ces exportations de toiles, répandaient l’aisance partout où l’on filait, où l’on tissait, où l’on blanchissait des fils, c’est-à-dire dans une bonne partie de notre département et des cantons qui forment aujourd’hui le département des Côtes-du-Nord.

Mais celui qui gagnait le plus, c’était le fabricant, qui centralisait une foule d’opérations fort compliquées et exigeait un capital considérable…

Le plus grand nombre de ces fabricants habitaient à la campagne, et de fermiers devenaient domaniers, et le plus souvent, ensuite, propriétaires-fonciers………

Ayant en commun l’origine, le degré d’instruction, la manière de vivre et surtout les intérêts, ces plébéiens, enrichis par le travail, se lièrent tout naturellement, se rapprochèrent encore par des mariages, et formèrent dès lors une caste à laquelle, à une époque qu’il est difficile de préciser, et pour un motif que j’ignore mais qui doit, je le crois, tenir à un détail du costume qu’ils avaient adopté, on leur donna le nom de Julod (en breton Juloded).


Après avoir parlé des immenses services agricoles rendus à la région par les Julods et exposé leurs relations parfois délicates, d’un côté avec les nobles, de l’autre avec les journaliers ruraux, l’auteur de cet article poursuit :

La communauté de croyances liait plus puissamment encore ces hommes instruits, formés à la connaissance des hommes par les voyages et le commerce avec des hommes de nationalité et de conditions diverses.

Quand les écrivains de l’Encyclopédie ouvrirent contre la doctrine de droit divin la guerre qui devait, en quelques années, modifier le régime politique de l’Europe, les Julods, avides de lectures sérieuses, étudièrent ce nouveau code social et le trouvèrent conforme à leurs notions de la vérité, à leurs sentiments de la justice.

Les membres du bas clergé, dont plusieurs appartenaient à des familles de Julods, et dans l’intimité desquels ils vivaient, partageaient leurs idées libérales ; ils furent ensemble les propagateurs des idées nouvelles et nous les voyons constamment unis, aux États généraux, et pendant toute la première partie de la Révolution, luttant pour obtenir l’égalité de droits qui leur était chère et les institutions libérales qui forment la base inébranlable de notre état social.


Ce portrait de Julod de l’époque révolutionnaire (qui paraîtra quelque peu flatté pour certains d’entre eux, pour Quéinnec notamment, quand on aura vu quelques pages de sa rédaction) se terminait ainsi :

S’ils étaient animés d’un ardent désir de prosélytisme, résultant d’une conviction forte, les Julods, qui figurent, non sans honneur, dans les