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julod. Nous en avons enfin découvert une, anonyme, qui nous satisfait, et dont nous allons reproduire certains passages, regrettant même, à cause de sa longueur, de ne pouvoir la donner ici dans son entier :


« Dans la conversation des habitants de l’arrondissement de Morlaix, il arrive assez souvent d’entendre prononcer le mot julod, appliqué à une certaine catégorie de nos compatriotes ; ce mot n’existant, à ma connaissance, dans aucun dictionnaire français ou breton, il est tout naturel qu’on entende souvent poser cette question : qu’est-ce qu’un julod ?

L’étymologie du mot me semble entourée de nuages impénétrables, et cependant je suis porté à croire qu’elle pourrait bien avoir une affinité avec le nom d’un vêtement d’une forme particulière que portaient habituellement les anciens julods. On désigne, en effet, dans le Finistère, les habitants de chaque quartier par la partie de leur costume qui leur est particulière.

Mais du sens qu’on donne au mot julod et qui doit lui appartenir, depuis longtemps, il ressort que cette désignation ne s’appliquait point à la population entière d’une région, mais seulement aux membres d’un petit nombre de familles formant une sorte d’aristocratie rurale, et provenant toutes originairement d’une partie du Haut-Léon, qui est comprise dans les cantons de Saint-Thégonnec, Taulé, Landivisiau, Sizun et Ploudiry, et particulièrement dans les communes les plus rapprochées de la montagne, où la fabrication des toiles avait autrefois une grande importance, et qu’habitaient presque tous les fabricants qui occupaient un grand nombre d’ouvriers…………

L’industrie de la fabrication des tissus de lin avait été introduite en Bretagne par la duchesse Anne, au moyen d’ouvriers flamands qu’elle y avait fait venir.

La partie de notre département où les habitants en avaient atteint la plus grande connaissance semble être originairement la plus rapprochée de l’abbaye du Relecq, en Plounéour-Ménez. Les moines étaient très aimés de leurs vassaux, dans les affaires desquels ils se trouvaient immiscés continuellement, attendu que c’était le dernier né qui jouissait des avantages attachés à la primogéniture

L’abbé se trouvait donc souvent tuteur de son vassal en bas-âge, et avait pour toute la famille une tendresse vraiment paternelle.

On doit attribuer la supériorité industrielle des Léonards à l’instruction que les moines se plaisaient à donner aux plus intelligents d’entre eux.

Ainsi s’est formé ce groupe de fabricants de toiles qui, employant à leur commerce l’énergie et la patience remarquable qui sont le caractère de notre vaillante race bretonne, ont fait faire à la civilisation et à l’agriculture, pendant les XVIIe et XVIIIe siècles, des progrès si considérables dont les traces sont encore sous nos yeux.

La consommation de l’Espagne et de ses colonies, à cette époque les plus riches du monde, était tout entier alimentée par les tissus connus sous les noms de Plouvorn, Plougastel, Daoulas, dirigés sur Morlaix,