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L’ACTIVITÉ INDUSTRIELLE DE L’ALLEMAGNE
DEPUIS LA DERNIÈRE GUERRE

L’Allemagne est-elle menacée d’une crise industrielle ? La question peut être posée devant les difficultés qui, depuis quelques mois, pèsent lourdement sur l’économie générale du Reich. Il devient difficile de fermer les yeux à l’évidence : si puissante qu’elle soit, l’industrie allemande se trouve actuellement dans une situation délicate, et l’on a le droit de se demander si sa prospérité touche à sa fin ou, au contraire, si elle autorise encore un optimisme délibéré.

Pour découvrir les causes des dangers qui s’annoncent, et en mesurer l’étendue, il faut se donner la peine de suivre dans son ensemble l’évolution économique du Reich depuis la guerre. À s’en tenir à une période trop limitée, on risque de mal saisir le sens des faits et d’aboutir à des conclusions déformées par des événements accessoires et des fluctuations incessantes.

Ce qui peut faire l’intérêt de cet examen, c’est l’importance essentielle qui doit être accordée à l’industrie allemande, en dehors même de toutes considérations d’ordre commercial.

Pour l’étranger qui aborde l’Allemagne, la situation politique et morale du pays, d’où dépend, plus que de signatures, la consolidation de la paix, semble devoir constituer le souci primordial. Mais, à mesure que son expérience allemande se prolonge, la conviction grandit chez lui que, surtout depuis la guerre, les intérêts économiques sont au premier plan des préoccupations, et que les forces économiques commandent. La politique apparaît déconcertante, avec ses combinaisons multiples, compliquées, souvent contradictoires, faites d’actions et de réactions confuses, qui laissent parfois aux témoins directs le sentiment lassant d’un piétinement chaotique et désordonné, d’une perpétuelle imprévisibilité. Surtout depuis la guerre, pour beaucoup d’Allemands « la politique n’est rien du tout », selon la phrase de Proudhon. — Rien du tout, sinon un scénario plus ou moins décoratif qui cache les faits les plus intéressants : les faits économiques. Elle ne garde qu’une place secondaire, la production absorbant le meilleur des énergies.

Même en repoussant l’étroitesse du matérialisme historique, et en proclamant que le fait politique prime souvent tous les ordres de faits, on ne peut pas oublier que l’Allemagne, rénovée par l’expansion industrielle, est la patrie de Karl Marx. C’est un État « économique » beaucoup plus que « politique ». La révolution de novembre 1918,