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ÉCONOMIE DE L'EUROPE SLAVE 151

Elles constituent un chapitre spécial sous le titre : « Les idées sociales et politiques contenues dans le taborisme». Jusqu’alors prévalait l'opinion du pére de l’histoire tchèque, Palacky, formulée au milieu du xixe siècle : les Taborites étaient des démocrates. A ce jugement, l'historien allemand Bezold apporta déjà quelque atténuation : les Taborites étaient, dit-il, démocrates en théorie ; ils ne l'étaient point en pratique. Pekar, lui, qui éclaircit et classe des idées, distingue trois périodes ou trois conceptions dans le développement du parti taborite.

Ni la théorie ni la pratique des Taborites n’indiquent, nous dit-il, une tendance au démocratisme. Les prêtres teborites eux-mêmes distinguaient « trois espèces de peuple » : clergé, noblesse et sujets, — ces derniers ayant pour devoir de nourrir les premiers. E ces distinctions qui séparaïent surtout les paysans — la classe la moins élevée — de la grande et petite noblesse et des habitants des villes étaient en vigueur même aux diètes et dans l’armée. Pareillement on ne peut appeler démocratiques les opinions de quelques théoriciens, Stitny, Hus et autres, qui demandaient que le maitre fût pour ses sujets bon et clément ; elles ne les cmpéchaient pas de vouloir maintenir l'ordre juridique et social d'alors : le sujet devait rester sujet. Seul Chelcicky alla plus loin en réclamant une société exempte de distinctions sociales, écono- miques et même intellectuelles. Mais même là il ne faut pas voir une mani- festation de pensée démocratique : c’est une conformité avec l’Écriture sainte — et les Taborites combattaient sa doctrine. 1ls combattaient également les idées chiliates, apparues au début même de la révolution de 1420 et qui, seules à l'époque du taborisme, furent une manifestation vraiment démocratique : elles tendaient à la suppression du servage, de toutes les différences sociales et des impôts. Ce mouvement engendré par des idées mystiques et qui tra- duisait de chimériques aspirations au royaume de Dieu sur terre, était faible et n’a duré que quelques mois. 11 put attirer les paysans, encore qu'au début du xave siècle, d'après Mr Pekar, leur situation économique ne fût pas mau- vaise ; de sorte que leur participation ou mouvement s'explique plus par une crise de conscience personnelle que par leur misère collective et matérielle. Mais, dès que les T'aborites furent organisés mäitairement et eurent consolidé leur puissance, ils devinrent pour les paysans des maîtres au même titre que leurs anciens seigneurs. Dans leur métropole, Tabor, et en d’autres lieux encore, ils se constituèrent à la façon d'une commune et maintinrent dans leur armée la distinction des bourgeois et des paysans, ces derniers restant socialement et juridiquement inférieurs aux autres,

Par ailleurs, la situation alla s'empirant pour la classe paysanne. La réve lution hussite faisait sienne une revendication sociale qui devint presque l'affaire capitale du mouvement. Elle demandait la suppression des domaines de l'Église. Bien entendu, cette revendication avait des raisons d'ordre sur- tout religieux ; on imputait aux grandes propriétés les désordres du clergé Les grandes possessions de l’Église furent donc effectivement supprimées. Mais cela ne soulagea pas les sujets. Ils ne firent que changer de seigneurs et finirent par s'epercevoir que les nouveaux étaient moins cléments que les anciens, les gens d'église ; le paysan souffrit par sureroit de ce fait que ce grand changement dans le système de la propriété augmenta la richesse, le pouvoir et les prétentions d’une noblesse qui désormais prit parti même contro