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ÉCONOMIE DE L'EUROPE SLAVE 149

transmettent au bassin de la Vistule (p. 59). L'importance prise par les com- munications maritimes, dans les derniers siècles du moyen âge, se rattache à toute une série de phénomènes qui commencent aujourd’hui à nous être fami- liers. Moins généralement connues peut-être, les anciennes liaisons terrestres entre la Pologne et l'immense arrière-pays de la mer Noire prouvent, une fois de plus, que, à côté de Ia Méditerranée, les routes continentales, en direction Est- Ouest, où Sud-Est—Nord-Ouest, ont joué longtemps un rôle important. Tout ee trafic de l'Ukraine, des Balkans et du Danube mériterait décidément une étude approfondie.

Aux origines de l'histoire agraire polonaise, un problème, destiné peut- être, faute de documents, à rester éternellement obscur : l'établissement du régime scigneurial. M. Rutkowski semble attribuer une importance prépondé- rante à l’action de l’État. Mais n’y aurait-il pas eu un grand intérêt à se deman- der de quels éléments — fonctionnaires royaux, anciens chefs de villages ou de clans, ete. — se forma la classe des seigneurs ? Lei le problème de classe semble fondamental. On doit le poser ; ce n’est pas à dire qu'on puisse le résoudre Pour l'Occident, pouvons-nous donner la solution ? Nous oublions même quel- quefois l'énoncé? J'ai déjà fait allusion plus haut à la grande transfor- mation qui, vers la fin du moyen âge et au début des Lemps modernes, subs- titua, en Pologne, à un régime seigneurial fondé surtout sur les redevances,

ystème où le faire-valoir direct du seigneur et par suite les corvées pren- nent une place prépondérante. M. Rutkwoski à admirablement décrit, dans toutes ses nuances, cette évolution. Excellente analyse également des tenta- tives de réforme, qui agitérent l'opinion, peu avant les partages. Gà et là, dans cette dernière partie de l'étude, on note un penchant, à mon goût, un peu trop marqué, pour des interprétations de style marxiste ; les intérêts économiques, plus ou moins consciemment sentis, suffisent-ils à expliquer l'at- titude des groupes cpposés ? On est d'autant plus étonné de cette simpl tion excessive que, par ailleurs, M. Rutkowski a prouvé qu'il appréciait, à sa juste valeur, le facteur proprement psychologique. Nul mieux que lui n'a montré que, dans la Pologne du xvrnt siècle, le principal obstacle au déve- loppement de la grande entreprise rurale de forme capitaliste résidait avant tout dans l’« esprit non capitaliste » de la noblesse. Les peils seigneurs préfé- raient la routine des corvées, qui leur assurait, sans débours et sans risques, un revenu médiocre, à l'introduction d’un large régime de salariat. Celui-ci, plus avantageux en soi, eût nécessité l'établissement, entre les dépenses et les recettes, d’un équilibre délicat, sans cesse prêt à se rompre; ces difficultés et ces dangers effrayaient des hommes qui ne se sentaient pas l’âme de grands



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brasseurs d'affaires {V. nolamment Fégime agraire, p. 45-46 du tirage à part).

Bien entendu, la tendance des seigneurs à étendre leurs exploitations propres n'est pas, à la fin du moyen âge, un fait spécifiquement polonais ; voyez non seulement l'Allemagne du Nord, mais aussi l'Autriche, l'Angleterre, même la France; les rentiers du sol avaient partout d'excellentes raisons de ne pas être satisfaits du produit des redevances. Faut-il reprocher à M. Rutkowski



1. On notera que, au xvme siècle, noblesse et classe selgneuriale ne se confondaient absolument : la toute petite noblesse n'avait mas de tenanciers (Régime agraire, D. 26-27). Quelques indications supplémentaires sur la condition juridique des paysan

eussent rendu leur histoire économique plus facile à saisir.