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HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA RÉVOLUTION 143

trop fragmentaires. Alors que cette histoire offre à Paris un grand intérêt politique, c'est au point de vue proprement économique que la province, semble-t-il, mérite surtout de retenir l'attention. Pourquoi, par exemple, le Comité de Salut public n'a-t-il pas entrepris de réglementer la répartition individuelle du pain au moyen d’une carte nationale ? C'est, d'une part, que les consommateurs étaient ncore habitués, en majorité, à acheter leurs grains au marché ot à cuire eux-mêmes ; c'est, en outre, qu'il aurait pris ainsi l'en- gagement moral de fournir le contingent assigné et qu'il ne pouvait s’y enga- ger, car, faute de statistique satisfaisante, il ne connaissait pas ses ressources et, faute de moyens de transport, il était, le plus souvent, incapable de les mobiliser. De pareilles constatations, surtout si on évoque le régime qui a fonctionné pendant la dernière guerre, permettent de mesurer les progrès que l'unité nationale et l'autorité gouvernementale ont réalisés grâce au déve- loppement de l'économie capitaliste ; il serait, par conséquent, d'un intérêt essentiel pour l’histoire générale que ces questions fussent étudiées.

Quel fut le résultat de la réglementation ? On continue à discuter. Peut-on attendre de futures monographies qu'elles mettent fin au débat ? Ce n’est pas croyable. Déjà, il est certain que tout n'alla pas pour le mieux. Mais c'est bien à tort que les partisans de la liberté en prétendent triompher. Car il est évident que la réglementation ne peut répartir des denrées qui n'existent pas. Tout ce qu'elle peut faire, en temps de crise, comme dans une ville assié- gée, c'est de prévenir des spéculations odieuses et d'empêcher les citoyens d'en venir aux mains pour se partager ce qui reste et détraquer par leurs convulsions l'autorité qui n'a jamais été plus nécessaire. Qu'elle puisse pour- tant s'imposer ainsi au politique réaliste, l'exemple de la dernière guerre devrait en convainere ceux qui veulent à toute force attribuer la réglement. tion de L'an 11 à la tyrannie de Robespierre ou aux tendances communistes de la démagogie jacobine.

Quant au maximum, il aboutit naturellement à un échec partiel : il ne pouvait jouer qu’en fonction de la réquisition et il y avait des denrées qu'il n’était pas facile d'atteindre, tels les produits de ferme, ou que le gouverne- ment ne voulut pas réquérir, tel le bétail. Dans ces conditions, les ouvriers auraient été dupess’ils avaient respecté le maximum des salaires, alors que l'on permeltait au paysan et au marchand de violer celui des denrées. Cependant le gouvernement prit parti contre eux, au moins quand ils étaient requis pour la moisson ou employés aux fabrications d'État. Ces ouvriers, il est vrai, avaient du travail et du pain et ils le devaient au gouvernement révolution- naire ; en l'an III, ils en seront privés. Cependant ils furent déçus. Les héber- listes essayèrent d'exploiter leur mécontentement et, plus lard, au 9 ther- inidor, leur irritation contribua à isoler Robespierre et la Commune.

Quelle a done été au juste la politique du Comité ? Oui ou non, a-t-il violé le contrat tacite que les Montagnards avaient passé avec les sections ? A cette question, M° Mathiez ne me paraît pas répondre, je l'avoue, avec sa netteté ordinaire. « Quels que fussent leurs sentiments intimes sur la valeur propre du maximum, écrit-il, page 541, les hommes au gouvernement ne songeaient nullement à l'abroger ou à le saboter dans l'application.» Mais, à la page 559, il ajoute : « Les hébertistes tombés, le maximum a perdu ses auteurs etses défenseurs. Le gouvernement maintient la loi sans enthousiasme