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136 ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

d'analyser les principaux résultats, sont l'œuvre de géographes ; elles s'ajou- tent à cette belle série de travaux de même origine, qui, dans notre pays, trop pauvre, par ailleurs, en recherches d'histoire ou de sociologie économiques, ont tant fait pour nous permettre de mieux connaître la société franç; dans son passé et son présent. Certes elles ne sont pas d'égale valeur. Le livre de Mue Basserre, en dépit de beaucoup d'observations instructives auxquelles, dans un résumé forcément très bref, je n'ai pas toujours pu rendre justice, est à la fois trop rapide {voyez, notamment, le passage sur l'émigration) et trop verbeux ; on ne saurait le mettre au même rang que Ja brochure, beau- coup plus courte, mais aussi beaucoup plus pleine et plus suggestive, de Ms Chabot. Cette évidente inégalité n'empêche pas que les deux études, inspi- rées d’un même esprit, n'appellent sur quelques points, des remarques dé méthode semblables.

Résolument, semble-t-il, Mr Chabot a bomé sa vision aux xixe et xxe siècles. Les frontières que s'est tracées Mie Basserre sont moins nettes et moins étroites ; mais les développements qu'elle consacre au passé, aussitôt que celui-ci devient tant soit peu lointain, témoignent de beaucoup d'inex- périence. Fatalement un historien déplorera toujours, dans les travaux de cette sorte, l'absence ou l'insuffisance de l'arrière-plan historique : regrets assez vains, en somme, où il entre un peu de déformation professionnelle. Il sera toujours parfaitement légitime de se limiter à une tranche de l’évolu- tion. A une condition toutefois, qui n'est pas universellement observée : reconnaitre qu'une part de l'explication échappe et Je dire, nettement. L'état de la propriété communale, dans les « brotteaux» de l'Ain ou sur les mon- tagnes du Cantal, n'a pas sa cause dans le seul présent, même étendu au xixe siècle ; il faudrait, pour en rendre compte, étudier l'application des lois révolutionnaires, puis remonter, plus haut encore, jusqu'aux luttes ou aux accords des communautés et des scigneurs. Ne le faisons pas, si nous n’en avons pas le temps ; mais marquons la lacune. Pourquoi, sur le rebord de la Dombes, cette prépondérance des petites exploitations ? Les conditions géographiques ne fournissent pas de raison suffisante ; toute l'histoire du village et de la seigneurie est derrière une pareille division du sol. Ce replie- ment sursoi-même des petits propriétaires de la Côlière au début du xrxesiècle, que Mr Chabot nous décrit si bien, est-ce là, comme il semble le croire, un phénomène très ancien ? Imaginer pareille chose reviendrait, tout simple- ment, à oublier le régime seigneurial ; car, LanL que celui-ci dura, une partie de la récolte du paysan s’en alla, régulièrement, sous forme de redevances en nature, se faire consommer dans des châteaux, parfois lointains, ou se vendre, au profit du maître, sur les marchés des alentours ; une autre devait être vendue par le paysan lui-même, qui n’eût pu se procurer autrement l'argent nécesseire au paiement des redevances pécuniaires. La vérité est sans doute que, en France, comme aujourd’hui dans l'Europe orientale (interrogez, à ce sujet, les importateurs de blé}, l'abolition des charges qui pesaient sur la tenure amena, dans beaucoup de régions, le cultivateur, qui, désormais, pouvait vivre mieux, à vivre de son bien. Auparavant, il abandonnait au seigneur, ou aux acheteurs, une part de son nécessaire ; maintenant — crises économiques à part — il ne cédera plus que ce qu'il tient pour superflu.

Revenons au présent. 11 y a, dans la belle étude de M' Chabot, une omis-