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HISTOIRE DES DOCTRINES 129

si ses chapitres sur la Religion, la Philosophie et ce qu'il nomme la Métaphy- sique démontrent avec trop d'éclat que, avant d'être «infecté d'hégélianisme » par Marx, le futur auteur des Contradictions économiques n'était pas sans avoir subi l'atteinte d’un virus que Karl Grün et Alexandre Herzen ne tarde- ront pas à diagnostiquer en lui, — les chapitres IV et V par contre, respective- ment consacrés à l'Éconoinie politique et à l'Histoire, abondent en idées neuves, en vues d’avenir et qui souvent feront la fortune d'autres que de Pierre-Joseph. L'Économie politique, — science immense, plus capable qu'au- cune philosophie de nous instruire sur l’homme, son origine, son évolution et sa destinée ; plus qualifiée qu'aucun pouvoir politique pour exercer le gou- vernement des sociétés ; plus apte enfin qu'aucun corps de pédagogues intel lectuels à organiser la véritable instruction publique, fondée sur l'appren- tissage des métiers manuels, — déjà Proudhon, dans cet écrit de 1843, nous la montre conduisant l’histoire dans le passé par le jeu des lois économiques, en attendant que, sous le nom de socialisme, elle lance l'humanité vers ses desti- nées ultérieures avec une force incoercible. Et si on retrouve, tout au long de ces 400 pages, l'esprit égalitaire et ouvrier du fils du tonnelier de Besançon ; si, notamment, on y lit en vingt endroits une magnifique apologie du travail manuel, — comment ne pas songer aussi à tout ce qu'apportait de neuf un livre qui fut lu par des lecteurs de choix, quand son auteur, esquissänt « le mouve- ment de la Société sous l'action des lois économiques» {p. 381 et suiv.) éta- blissait « que, au point de vue de l’organisation, les lois de l'Économie poli- tique sont les lois de l'histoire» ; définissait l'histoire «le tableau, déroulé dans le temps, de l'organisme collectif» {p. 409), où même proclamait (p. 412) « qu'aucun progrès ne s'effectue sans violence, la Force étant en dernier résul- tat l'unique moyen de manifestation de l'Idée ». — Livre d'un « fier homme », comme disait mon vieil ami Edouard Droz et en qui se reconnaîtront long- temps ceux que Pelloutier définissait en 1900, dans sa Lettre aux Anarchistes, «les ennemis irréconciliables de tout despotisme moral ou matériel, indivi- duel ou collectif, c'est-à-dire des lois et des dictatures — y compris celle du prolétariat — etes amants passionnés de la culture de soi-même». Livre d'un créateur d'idées aussi, fécond, hardi et souvent génial. Lucien Fesvre.








La Géopolitique, dont le D Haxs Simwer nous expose les bases fonda- mentales dans un petit livre publié à Munich et Berlin chez R. Oldenbourg, ne semble pas être une science d’une sérénité parfaite 1. Le sous-titre l'indique du reste : c’est à l'Allemagne que songe avant tout l'auteur ; c’est elle qui est au cœur du livre ; c’est elle qui doit trouver, dans les principes de la Géopoli- tique, l'indication sûre des moyens par lesquels elle pourra, de nouveau, reconquérir sa situation d'État débordant de force et de puissance. Exalta- tion de l'égoisme national nécessaire et sacré ; proclamation du principe que la force prime le droit ; constatation sans ambages du fait que, lorsqu'on s’oc- eupe de géopolitique, il ne faut pas confondre l’action et le sentiment, — tout cela, et bien des choses analogues, on le trouve étalé dans les premières pages de ce petit livre qu'il serait dès lors assez vain de traiter comme un ouvrage




1. Grundrüige der Geopalitik, in Anwendung euf Deutschland, 1928, in-12, vur-260 p. AN. D'HISTOIRE, — 1e ANNÉE, 9 �