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120 ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

La justice était partagée avec le comte, auquel revenait, en particulier, la haute justice. A titre économique, la ville n’acquit jamais une importance internationale. Même au moment de son apogée, l'économie rurale y garda une place considérable ; les terrains de culture, les prés même restèrent nom- breux à l'intérieur des murs ; l’industrie et le commerce appartenaient avant tout à un négoce sans échange, concernant de préférence l'alimentation : on fabriquait principalement et on exportait un peu de drap; on importait un peu de vin d’Espagne. Mais ce fut précisément cette économie de caractère mixte, demeurée en partie agricole, ce peuplement de cultivateurs qui conser- vèrent à la ville cette nature moyenne, qui lui firent cette histoire calme que n'ont pas les cités industrielles du Nord. Et finalement, après toutes les épreuves de la Guerre de Cent Ans, Eu sentira la nécessité de l'autorité et se laissera glisser sans résistance dans les mains du pouvoir royal, qui l'absorbera ou la dominera politiquement et financièrement. — Ajoutons qu’un plan de 1615-1620 est joint au travail.

L'histoire de la commune d’Eu paraît conduire aux conclusions essen- tielles suivantes. La formation de cette petite ville, pour des raisons d’écono- mie pécuniaire, s’est faite par l’accouplement d’un burgus et d’un castrum ; son existence montre une influence apaisante de l’économie rurale, qui n’a pas été si accusée que la vie industrielle et commerçante n’aie pu, à l’ori exercer une action fondamentale en faveur de l'établissement et du dévelop- pement de la cité, mais qui est toujours restée assez forte pour produire, au cours de son histoire, une influence modératrice dans la forme : ces deux actions contraires se sont ainsi poussées et retenues successivement ; la fin de la commune la fait voir s’annihilant pour des motifs politiques au profit du pouvoir central.

Mit Deck a parfaitement saisi la physionomie de cette ville moyenne et nous en a donné une très sérieuse étude ; elle a su tirer le meilleur parti des restes des archives d’Eu. Nous aurions seulement désiré voir l'auteur insister à un moindre degré sur l’histoire militaire, développer au contraire davantage la partie topographique et améliorer la rédaction de l'élément économique : les deux dernières remarques, on s’en souvient, ont déjà été faites à prop 5 du travail de M. Brun. Dans l’ensemble, néanmoins, les deux histoires locales précédentes montrent qu'il ne manque pas en France de centres secondaires méritant d’être étudiés et pouvant donner lieu à des travaux d’un réel intérêt.


Nous passons aux recherches spéciales. M. Bourve px La Rocente a étudié les fondations de villes et de bourgs en Bretagne du XI° au XIII sièclet, après la période normande, à l'époque de l'unification de la région et de son gouvernement par la féodalité, de 995 à 1213 :le régime féodal crée le système des seigneuries ayant pour capitales les demeures des seigneurs dans leurs châteaux auprès desquels se forment les villes et les bourgs. La ville bretonne est « tout groupe de maisons bâti aux abords ou sous la protection d’un chä- teau fort ou d’une abbaye, ce groupe fût-il peu important ou même tout

42 Mémoires de La Soc, d'hést, et d'archéologie de Bretagne, 1928. — Tir. à part, 38 D. �