Page:Annales d’histoire économique et sociale - Tome 1 - 1929.djvu/125

Cette page n’a pas encore été corrigée

HISTOIRE URBAINE 119

de ces règlements corporatifs qui paralysaient l'initiative individuelle. Les Méridionaux étaient hostiles à leur introduction »1. Cette exécution som- maire des corporations, nous nous permettrons de le dire à l'auteur, est tout ce qu'il voudra, sauf de l'histoire. Ce n’est pas, bien entendu, le principe, l'usage des corporations, qui est condamnable, c'en est la déformation, le dérèglement. Les eriliques, que M. Brun adresse à l'esprit corporatif, l'esprit individualiste en mérite, en son genre, de tout aussi vives et même de plus profondes, car il va de soi que l'idée et la vie de société sont toujours prété- rables à l'idée et à la vie d'isolement. Naturellement, aucun des deux sys- tèmes ne constitue le remède à tous les maux. Ce que l'on pourrait peut-être dire de plus général et de plus juste à leur sujet, c'est que l'un et l’autre ont pu rendre des services différents suivant les périodes, les situations écono- miques : l'individualisme servit surtout à eréer, dans les époques de formation et de développement plutôt faciles ; l’associalion aide à maintenir, surtout dans les époques difficiles de luttes et de concurrence. C'est presque un truisme de remarquer que l’histoire est souvent une série d'actions et de réac- tions et que les abus d'une organisation sociale extrême conduisent presque forcément à ceux d’une forme sociale opposée : si la corporation fait défant, on tombe dans l'anarchie de l'individualisme ; si, inversement, elle dégénère en tyrannie, ectte anarchie se fait cependant presque préférer à l'oppression contraire. Au pouvoir politique à essayer de maintenir l'équilibre nécessaire.




Poussons maintenant vers le Nord. Mie 8. Deck a étudié la petite ville d'Eu?, « la plus ancienne commune normande », depuis son origine en 1154, jusqu’à 1475, année où la cité, sur l'ordre de Charles VII, fut complètement détruite pour empêcher les Anglais de s'y installer : elle ne se releva jamais. Placée dans une situation militaire et économique assez avantageuse, à l'endroit où la Bresle commence à devenir navigable, celte ancienne ville romaine fut d'abord un eastrum, autour duquel, en particulier grâce au déve- loppement des relations commerciales avec l'Angleterre, se forma une ville En 1115, apparaissent des burgenses, des « lenanciers en bourgage »: ce sont eux qui, en 1151, obtiennent du comte d'Eu une charte communale « secun- dum usus et consuetudines et scripta Sancti-Quintini», sans qu'on voie pré- cisément le motif de ce lien, qui d’ailleurs dut se borner « à l'application des principes de droit commun». L'octroi de cette charte accentua le développe- ment de la ville, dont Mie Deck nous décrit d'une façon très générale la Lopo- graphie ; elle grandit à un point tel qu’un peu avant le milieu du xive siècle elle paraît avoir atteint un chiffre de population qu'elle ne retrouva plus : avec la peste de 1348 s'ouvrit «une série de calamités et de malheurs inouïs » et, au xvnie siècle, le chiffre des habitants avait probablement diminué par rapport au nombre du moyen âge. Eu jouit d'une constitution indépendante avec un maire, des échovins et un Conseil, qui se recrutaient par cooptation, mais sans que l’on puisse savoir s'il existait des assemblées de la communauté.






4. P. 70.

2. Une commune normande au moyen Age. La ville d'Eu. Son histoire, ses institutions u4i-1478), Paris, Champion, 19%, In-8, xxtv-15 p., une pl. (Biblicihèque de l'Ecole des Hautes Etudes, se. philolog. et historiques, fase. 243).