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HISTOIRE URBAINE 105

merce sans échanges». Mais, après l'anarchie du 1x° siècle, au x°, avec la stabilisation, la pacification, la colonisation générales, qu’accompagne l’aug- mentation de la population, le négoce international reparaît en deux points : à Venise, par les relations avec la grande place de Constantinople, et dans la plaine flamande, que déjà industrialise la draperie, par ses rapports avec la navigation scandinave. Il gagne peu à peu toute l'Europe et, en particulier, grâce à cette surabondance de population, naissent, ne peuvent que naître Jes marchands. Ce sont ces derniers qui, se fixant auprès des anciennes forte- resses, civitates romaines, burgi médiévaux, placées dans des situations éco- nomiques favorables, et y eréant des « portus», c’est-à-dire des entrepôts permanents de marchandises protégés militairement, fondent la ville actuelle. La ville, que «le commerce et l’industrie ont faite ce qu'elle a été», ost en somme, une colonie de marchands ; ceux-ci sont ses premiers bourgeois ; leurs descendants feront pou à peu une commune organisée avec toutes ses institu- tions, organes et fonctions, adaptées aux conditions de ce milieu essentielle- ment nouveau

Les lecteurs de M. Pirenne retireront de son livre différents avantages de méthode ou de fait. Ils apprendront l'art de généraliser les renseignements, trop restroints, que nous fournit le petit nombre de documents conservés pour le milieu du moyen ge, correspondant précisément, du 1xe au xif siècle, à l'époque de la naissance des villes ; ils verront aussi comment il semble possible de suppléer à l'absence complète de textes par des hypothèses qui paraissent judicieuses et solides ; ils connaîtront également, lorsque, par contre, les renseignements sont pour ainsi dire devenus trop nombreux {période communale}, l’art de les synthétiser. Ils verront ensuite comment, si l'on veut comprendre les villes, il ne faut pas les étudier dans Loutes les loca- lités qui, à peu près n'importe où et n'importe quand, ont porté ce nom : on doit les examiner avant tout dans une ou deux régions déterminées, telles la Flandre et la Méditerranée provençale et lombarde, où leur formation, à la fois économique, laïque et pacifique, a été plus pure et plus parfaite et leur développement plus intense que partout ailleurs ; on les étudiera, ces grands centres, à l'exclusion des créations postérieures ou de second ordre, qui ne sont que des « phénomènes de répétition», de préférence même aux cités picardes, où la violence a été par trop le caractère dominant des relations entre la ville et l'évêque. Ils comprendront cependant qu'entre ces dernières communes, dites communes jurées, et les premières, la distinction qu'on a voulu établir, étant trop exclusivement juridique, est négligeable et super- ficielle ; toutes ces localités sont des communes ou des villes également. Ils verront encore que, si on désire étudier l’ensemble de ce qu'on appelle le droit urbain, où mieux, les institutions urbaines, on doit considérer non seulement a partie proprement juridique, constitution, justice,ete…, mais aussi le côté so- cial, car nulle législation n'a été plus interventionniste que celle des bourgeois dans ce contre économique qu'est la ville. Ils verront, enfin, comment, au cours d’études de cette nature, il est indispensable d'associer l'économie — et même la géographie économique, — qui agit d’une façon exclusive dans la formation de la ville et qui, dans un milieu de cette nature, ne cessera jamais d'exercer son action, avec le droit qui, demeurant par suite soumis à cette influence originelle, intervient lors de l'établissement de la commune pour la