Page:Année Pédagogique-2eme année-1912.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
f. buisson

véritables privilèges, sous le nom de régime commun un régime de faveur, sous le nom de garanties, des moyens de pression abusive. Et c’est à cette hégémonie du catholicisme que l’État ne peut se plier.

La liberté de conscience est un droit sacré, mais un droit attaché à la personne humaine. Une collectivité n’est pas une personne. Elle ne peut donc invoquer l’inviolabilité absolue de la conscience individuelle pour faire considérer comme intangibles toutes ses conceptions, toutes ses créations corporatives : aucun corps ne peut s’introduire au sein du corps social par sa seule volonté et avec la prétention de se mettre au-dessus des lois.

La liberté du culte ne va pas jusqu’à entraver celle des autres cultes.

La liberté d’association ne va pas jusqu’à obliger l’État à considérer comme un contrat d’association libre entre hommes libres le triple vœu par lequel des hommes renoncent à la famille, à la propriété et à la responsabilité personnelle.

La liberté d’enseignement ne va pas jusqu’à dépouiller l’État du droit de vérifier si une famille ne frustre pas l’enfant de toute instruction, si un prétendu maître n’est pas un ignorant, un indigne ou un incapable, si un prétendu établissement scolaire ne place pas les enfants dans des conditions inadmissibles pour l’hygiène, pour la moralité ou pour le respect des lois.

Toutes ces limitations portent-elles atteinte à la notion même de liberté ? Seuls pourraient le prétendre les théoriciens de l’anarchisme ou ceux de la théocratie. Toute liberté qui ne serait pas limitée par les autres serait non pas une liberté, mais une négation de la liberté, puisqu’elle opprimerait ou supprimerait toutes celles qui doivent lui faire contrepoids.

Mais si l’État peut et doit interdire à l’Église, comme à toute autre puissance, d’empiéter sur ses attributions, c’est à la condition que lui-même s’interdise et interdise à tous ses représentants d’entreprendre sur les droits de la conscience. C’est ce qu’exprime imparfaitement, mais avec une clarté suffisante, le mot de « neutralité ». Encore un de ces mots prédes-