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l’école et la nation en france

qu’il soit permis à l’école d’insister sur ce qui nous rapproche : les églises et les partis viendront assez tôt leur apprendre ce qui nous divise. Cette sensation de l’unité humaine, sous la forme de l’unité nationale dont l’école est l’image enfantine, n’est pas une donnée négligeable dans l’éducation. Et c’est pour faire au moins entrevoir à la jeune génération cette face des choses volontiers cachée par les écoles confessionnelles qu’il est bon d’ouvrir, à côté de celles-ci, une école nationale, publique et laïque.

La liberté, d’autre part. À ceux qu’elle inquiète, nous répondrons dans le même sens :

L’esprit libéral, qui est celui de tout l’enseignement public français, ne vise pas à remplacer d’office une doctrine par une autre. Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir de doctrine d’État, en dehors de ces rudiments, précieux d’ailleurs, de toute éducation humaine qui sont l’objet de l’instruction obligatoire et qui ne soulèvent aucune contestation.

L’esprit libéral ne demande pas qu’on mette à son service le bras séculier pour l’aider à combattre l’esprit clérical. Tout ce qu’il demande à l’État, c’est d’être l’État, c’est-à-dire le pouvoir souverain d’une nation qui prétend se gouverner et s’administrer elle-même, qui assume les droits et les devoirs de la souveraineté. En conséquence, il ne peut être question d’un partage d’attributions, d’une sorte de condominium entre l’État et l’Église.

Il faut bien s’entendre sur les rapports de la société civile avec la société religieuse. À toutes les confessions comme à toutes les formes de la pensée humaine, l’État doit la même liberté et le même respect. L’Église catholique ne sera pas plus menacée, plus inquiétée, qu’aucune autre dans l’exercice de son culte et dans le développement de ses œuvres. Mais ici se présente la difficulté. L’Église ne demande pas à être un des cultes reconnus et respectés. Elle se déclare seule dépositaire de la vérité, seule investie d’un mandat divin, d’un magistère qu’elle ne tient pas de la volonté des hommes. Aussi doit-elle, sous peine de se renier, revendiquer dans le monde une situation hors de pair. De là vient que forcément, sans même en avoir conscience, l’Église réclame, sous le nom de droits, de