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f. buisson

deux colonnes de l’enseignement républicain. Contre ces deux idées maîtresses et caractéristiques, on débite de droite et de gauche des sophismes qu’il importe de combattre. Essayons donc, en terminant, de préciser ces deux mots qui résument toute la doctrine scolaire de la France.

La laïcité d’abord. L’esprit laïque, qui est celui de notre école publique à tous les degrés, ne se justifie pas seulement par un parti pris de tolérance mutuelle qui, certes, aurait sa raison d’être. Il a une autre portée. C’est, avant tout, un acte de foi dans la puissance de l’esprit.

Toute notre conception pédagogique repose sur ce postulat : qu’il y a une affinité naturelle — mystérieuse comme tout ce qui est naturel — entre l’âme humaine et la vérité : vérité intellectuelle qui s’impose à l’esprit, vérité morale qui subjugue la conscience ; vérité esthétique qui touche le cœur. L’école laïque croit à toutes ces forces invisibles et invincibles : elle y croit tellement qu’elle veut les laisser agir, sûre que l’homme n’y résistera pas.

Elle croit même que, pour toutes ces formes de l’idéal, il y a dès l’enfance une sorte de première intuition capable d’en saisir les éléments et d’en recevoir la bienfaisante action dans l’humble mesure que comporte la nature de l’enfant. Et, en conséquence, elle aspire à placer tous les enfants dans une atmosphère de paix et de lumière où tous ensemble, fraternellement comme les fils d’une même mère, ils seront incités à chercher le vrai, à aimer le beau, à vouloir le bien sans être pour cela parqués en autant de petits groupes distincts et rivaux qu’il y a de systèmes différents sur le beau, le bien, ou le vrai.

Le moment viendra assez vite où ils se sépareront, comme leurs pères, entre les églises et entre les partis qui se combattent. Mais, il est un âge où l’on ne peut les entretenir que de ces éternels lieux communs de la morale et de ces connaissances préliminaires qui ne diffèrent point d’homme à homme ni d’église à église : à cet âge-là du moins, souffrez que l’école les unisse.

Laissez-leur sentir, ne fut-ce qu’un instant, ce qu’il y a de foncièrement commun et pour ainsi dire d’inné à tous les hommes :