un peu vétilleux… mais pas fatigant du tout. À propos, seigneur Papouf, serait-ce une indiscrétion de vous demander ce que vous venez faire au palais impérial, et pourquoi vous avez quitté ces intéressans industriels à qui vous donnez des feuilles d’arbres et qui vous rendent de la soie ?
PAPOUF. Je viens prier l’intendant du palais, dont je dépend, de m’accorder un congé ; j’ai une affaire très-pressée qui nécessite ma présence à Hang-Pu, petit village à vingt lieues d’ici.
LANDRY. Ah ! vous avez une affaire ?
PAPOUF. Je me marie.
LANDRY. Vous !
PAPOUF. C’est-à-dire je me remarie pour la douzième fois.
LANDRY, à part. Quel gros Cupidon ! et quelle tournure d’amoureux !
PAPOUF. Je ne suis pas amoureux du tout. D’ailleurs, selon l’usage du pays, je ne connaîtrai ma femme que le jour des noces. Je sais seulement qu’elle est jeune, j’espère qu’elle sera plus heureuse que feu mes onze épouses, qui à elles toutes n’ont pas pu greffer le pus petit rejeton sur la dernière souche des Papouf.
LANDRY, à part. C’est qu’elle est un peu vieille la souche.
PAPOUF. Je t’emmènerai, Tsi-Tsing,
LANDRY, à part. Une noce chinoise, ce doit être amusant. Et si madame Papouf est jolie. (Haut) Seigneur, j’ai dans l’idée que cette fois vous aurez des petits Papoufs.
PAPOUF. J’aurai des petits mandarins !..
LANDRY, à part. Oui, mandarins français greffés sur chinois… ça fera une jolie race croisée…
L’OFFICIER, rentrant. Le mandarin intendant du palais consent à donner un moment d’audience au mandarin Papouf.
PAPOUF. Tsi-Tsing… aide-moi à me lever Attends ici… Je te permets de voir le cortége de l’impératrice.…
Scène III.
Mandarins, Gardes, Peuple.
LANDRY. Non, je ne dors pas… C’est bien moi qui suis à Péking… moi, pauvre diable né dans une ruelle de la Cité, d’un barbier étuviste et d’une sage-femme. Je suis en Chine, j’ai été acheté par un mandarin chinois, je suis au service de vingt mille petits vers chinois… et je vais faire danser une mandarine chinoise… Tout cela me semble un conte de fées. Qu’est-ce que c’est que ce bruit-là ? sans doute le cortége de l’impératrice ? Oui… c’est cela, je serai supérieurement ici… Oh ! mais c’est bien plus beau que le cortége du roi Philippe-Auguste quand il rentre dans sa bonne ville de Paris.
L’EMPEREUR, se lève et s’adressant a Elmaï. Bénie soit la Providence qui vous rend à notre amour, noble et chère Elmaï. Béni soit aussi ce généreux étranger dont la belle action nous est connue déjà. Venez, madame, venez reprendre à nos côtés cette place que nulle plus que vous n’est digne d’occuper.
LANDRY, à part. Oh ! si mon premier maître était là.
L’EMPEREUR. Envoyé de Dgenguiz-Kan, approche.
LANDRY, apercevant Marco. Que vois-je ? c’est lui… c’est le seigneur Marco.
L’EMPEREUR. Un courrier qui t’a précédé m’a fait connaître les conditions au prix desquelles ton maître veut me faire acheter la paix… Mais avant que mon conseil s’assemble, je veux laisser un libre cours à la joie de mon peuple, et je te permets d’assister à la fête qu’il a préparée à son impératrice.…