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Deuxième Tableau.
Le théâtre représente les jardins du palais impérial ; ces jardins étant placés sur une hauteur, on découvre en panorama toute la ville de Péking, dont le palais est séparé, au fond, par un canal. À gauche du spectateur, les jardins ; à droite, l’entrée du palais ; tour en porcelaine, etc.

Scène Première.

IDAMÉ, Les Filles de l’empereur, le Mandarin Intendant du palais, Mandarins et Esclaves.
Au lever da rideau, la jeune Idamé, debout sur les degrés du palais, entourée de ses sœurs en riches costumes, donne des ordres à une foule de mandarins et à des esclaves qui sont prosternés devant elle.


IDAMÉ. Le ciel a eu pitié de nous, il a entendu nos prières, il a vu nos larmes… il nous rend à tous, une impératrice, il me rend à moi la plus tendre, la plus chérie des mères. L’empereur permet que nous ses filles, nous franchissions pour la première fois l’enceinte du palais impérial ; il permet qu’avec vous nous allions au-devant de notre mère. (Au mandarin.) Vous, intendant du palais, donnez des ordres pour que ma mère trouve partout un air de fête. (Explosion au loin.) Ce bruit nous annonce que l’impératrice est en vue de sa capitale. Partons, mes sœurs.

Idamé, suivie de ses sœurs, des mandarins et des esclaves, descend les degrés du palais, et sort par la gauche. Le mandarin intendant rentre au palais. À peine Idamé est-elle éloignée, qu’on voit paraître une espèce de chaise à porteurs, soulevée deux esclaves. À la portière de droite, marche Landry en costume chinois, et agitant un vaste éventail ; de l’autre côte, un esclave portant un grand parasol. Dans la chaise à porteurs on aperçoit un énorme mandarin. Arrivée devant le palais, la chaise à porteurs s’arrête ; un des esclaves va frapper avec son front une des marches du vestibule ; un officier des gardes parait.

Scène II.

PAPOUF, LANDRY, UN OFFICIER.

PAPOUF, à l’officier. Le noble mandarin Lipao, intendant du palais, peut-il recevoir le mandarin de troisième classe Papouf ?

L’OFFICIER. Le prêtre Lipao est fort occupé des préparatifs à faire pour la réception de l’impératrice ; je vais cependant lui annoncer votre visite.

L’officier rentre au palais ; sur un signe de Papouf, on ouvre la portière de la litière ; on étend un riche tapis à terre, et Papouf se trainant à peine va s’asseoir sur le tapis ; l’esclave porte-parasol se place derrière, et Landry devant.

LANDRY. Ah ! enfin nous sommes arrivés.

PAPOUF. Je t’avais prévenu que le palais impérial était à l’extrémité de la ville.

LANDRY. Doux Jésus ! quelle ville ! Nous marchons depuis ce matin ; je n’aurais pas mis plus de temps à faire le tour de la nouvelle enceinte de mon cher Paris.

PAPOUF. Qu’est-ce que c’est que ça : Paris ?

LANDRY. Une ville d’Europe où je suis né en l’an de grâce 1180, et que je croyais la plus grande et la plus belle du monde, mais qui serait plus à l’aise dans un faubourg de votre Péking que votre seigneurie ne l’est dans sa chaise à porteur. Il y a ici dans chaque rue de quoi peupler toute une principauté d’Allemagne. Le Chinois multiplie beaucoup.

PAPOUF, appelant. Tsi-Tsing !

LANDRY, se relournant. Dieu vous bénisse !.… C’est magnifique.

PAPOUF, avec impatience. Tsi-Tsing !

LANDRY. Il s’enrhume du cerveau, le patron… Ca n’est pas étonnant avec une coiffure comme celle-là.

PAPOUF, avec colère. Est-ce que tu ne m’entends pas, drôle ?

LANDRY. Hein… Comment ?

PAPOUF. Je t’appelle depuis une heure.

LANDRY. Ah ! pardon, mais vous m’avez donné un si drôle de nom… Tsi-Tsing… je ne puis pas m’y habituer.

PAPOUF. Viens ici… J’ai une mouche sur le nez, chasse-la.

LANDRY. Oui, seigneur. (À part.) Sont-ils paresseux dans ce pays ! Ils se laisseraient dévorer plutôt que de… Allons donc… non, elle y tient… mais va-t’en donc. (Il donne un grand coup sur le nez de Papouf, qui tombe presque à la renverse.) Là ! elle est partie.

PAPOUF, se relevant. Tu mets trop de zèle dans ton service… mais je te pardonne parce que tu es doux et jovial. Je suis fort content de t’avoir acheté… Te trouves-tu bien chez moi ?

LANDRY. Je serais difficile, vraiment ; je bois du thé tant que je veux, je mange du riz tant que je peux, et j’engraisse à vue d’œil. De plus, rien à faire que le ménage de vos élèves, vingt mille vers à soie, c’est