HIAOTSONG. À toi ?
DGENGUIZ-KAN. Tu t’étonnes, n’est-ce pas, de me voir ainsi fouler aux pieds l’orgueil de ton puissant maître ? Si Tschongaï veut la paix, je vais te dire à quel prix il la doit acheter : je veux, pour premier préliminaire, qu’il me donne pour femme une de ses filles ; à cette condition seulement je consentirai à suspendre la marche de mes troupes et j’accorderai une trêve.
HIAOTSONG. Je ne puis répondre à une proposition qui n’avait pas été prévue. Seigneur, accorde-moi un délai de trois jours, pendant lequel tu feras cesser toutes les hostilités ; permets en outre qu’un de tes officiers m’accompagne à Péking où m’attend l’empereur ; cet officier transmettra tes paroles à mon maître.
DGENGUIZ-KAN. Tschongaï est un prince sans foi et sans loyauté, et je ne veux pas lui livrer un de mes braves sans défense.
MARCO. Seigneur, je comprends que chacun de tes guerriers te soit cher et précieux ; mais s’il ne faut que répéter à ton ennemi les paroles que tu viens de prononcer, je me chargerai volontiers de ce message, quelque dangereux qu’il puisse être.
DGENGUIZ-KAN. Mais dans quel but me demandes-tu cette périlleuse faveur ?
MARCO. Si tu traites avec Tschongaï, tu retourneras à Samarkandh sans aller jusqu’à Péking, et Péking est la capitale et la merveille de la Chine.
DGENGUIZ-KAN. Eh bien, soit. Cet étranger vous accompagnera ; mais songez que cet étranger doit être sacré pour vous, que je tirerai une vengeance éclatante de toute insulte qui lui serait faite ; songez enfin que Marc-Paul est l’ami et l’hôte de Dgenguiz-Kan. (Les envoyés chinois s’inclinent. Dgenguiz-Kan à Marco.) Viens, tu choisiras parmi mes coursiers, et je veux moi-même te donner tes armes.
Scène VIII.
Envoyés chinois.
HIAOTSONG, à part. Insolent vainqueur, ton orgueil te perdra.
ELMAÏ, qui s’est assurée qu’elle est seule avec les envoyés. Hiaotsong !
HIAOTSONG. Qui m’appelle ?
ELMAÏ. Moi.
HIAOTSONG. L’impératrice !
ELMAÏ. Silence… Dgenguiz-Kan ne me sait pas en son pouvoir.
HIAOTSONG. Oh ! nous vous sauverons.
ELMAÏ. Je ne puis quitter ce village que sous votre protection, et je tremble qu’elle n’éveille les soupçons de Dgenguiz-Kan.
HIAOTSONG. Que faire ?
ELMAÏ. Un espoir me reste. Cet étranger…
HIAOTSONG. Eh bien ?
ELMAÏ. Il est brave… il doit être généreux.
HIAOTSONG. Vous oseriez.…
ELMAÏ. Silence… le voici.
Scène IX.
MARCO. Envoyés de Tschongaï, je suis prêt à vous suivre.
ELMAÏ. Seigneur, un mot. Je t’ai entendu tout-à-l’heure raconter à Dgenguiz-Kan qu’entrainé par le besoin de voir et d’apprendre, tu avais quitté ton pays, ta mère peut-être… Eh bien, crois-tu que ta mère donnerait volontiers les jours qui lui restent pour te revoir une fois encore avant de mourir.
MARCO. Ma pauvre mère !
ELMAÏ. Je suis mère aussi, moi… et ma fille est loin de moi, et je veux l’embrasser une dernière fois. Chrétien, il dépend de toi seul de me rendre à elle.
MARCO. Parle, femme.
ELMAÏ. Mon mari, soldat de Tschongaï, vaincu par Dgenguiz-Kan, s’est renfermé dans les murs de Péking, ma fille y est aussi ; si tu consens à ce que je suive ces envoyés, tu m’auras rendue à mon époux, à ma fille… Dis, le veux-tu ?
MARCO. Tu peux partir avec nous.
ELMAÏ. Sois béni, noble étranger, et fasse le ciel que ta mère te voie à son chevet quand sonnera sa dernière heure.
MARCO. Mais j’ai ordre de faire la plus grande diligence ; ne crains-tu pas la fatigue ?
ELMAÏ. Je ne crains rien, si ce n’est de mourir sans embrasser mon enfant.
MARCO. Partons.
ELMAÏ, bas, à Yanki. Tiens, c’est tout ce que peut aujourd’hui pour toi L’impératrice Elmaï. (Elle lui donne de l’or.) Adieu.
YANKI. Que le ciel vous protége !