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LANDRY, sortant de la maison. Voilà la bataille qui recommence ici… À tout hasard, j’ai caché Péki du mieux que j’ai pu… Ciel ! je ne me trompe pas…

PAPOUF. Est-ce encore un rêve ?…

LANDRY. Papouf !…

PAPOUF. Tsi… Tsing !…

LANDRY. Il n’est pas mort !…

PAPOUF. Il n’est pas tué !…

LANDRY. Il va me demander…

PAPOUF. Ma femme ! qu’as-tu fait de ma femme ?

LANDRY, à part. Ah ! je ne me sens pas la vertu de la lui rendre…

PAPOUF. Mais parle donc ?

LANDRY. Hélas !

PAPOUF. Hein ?

LANDRY. Votre femme !

PAPOUF. Eh bien ?

LANDRY. Supposez que vous êtes veuf, seigneur Papouf…

PAPOUF. Elle est morte ?

LANDRY. On me l’a enlevée… et je…

PAPOUF. Dis-moi qu’elle est morte, j’aime mieux ça…

LANDRY. Les Mongols ne tuent pas les femmes, surtout quand elles sont jolies.

PAPOUF. Ma Péki !… ma fiancée !… ma femme ! serait devenue la proie de l’armée mongole… Mort aux Mongols ! Où sont-ils ? où sont-ils ? Oh ! je voudrais les avoir là, en face de moi…

CRIS, au dehors. Les Mongols ! les Mongols !…

PAPOUF. Hein !…

LANDRY. Vous êtes servi à souhait, seigneur Papouf… les Mongols ont pénétré dans la ville.

PAPOUF. Bah !

LANDRY. Voilà une occasion de venger l’honneur de votre femme… Les voilà ! vengez-vous à votre aise.

Il rentre et ferme la porte. À ce moment, le peuple et les soldats chinois entrent en désordre. Elmaï parait avec Marco.

UN SOLDAT. Dgenguiz est dans la ville !

ELMAÏ, paraissant. Eh bien ! la ville sera le tombeau de Dgenguiz… Défendons-nous ici !

Combat ; les Chinois sont dispersés ; Dgenguiz parait suivi de ses officiers.

Scène VI.

Les Mêmes, DGENGUIZ-KAN, puis, ELMAÏ, MARCO, IDAMÉ, PAPOUF, LANDRY et PÉKI.

DGENGUIZ-KAN. Soldats ! vous le voyez, la fortune n’a point encore abandonné votre chef.

YELU, accourant. Seigneur, la ville tout entière est soumise ; l’impératrice Elmaï, qui a opposé la plus opiniâtre résistance, vient d’être désarmée ainsi que Marco, qui combattait à ses côtés.

DGENGUIZ-KAN. Qu’on les amène ! (Elmaï et Marco sont traînés aux pieds de Dgenguiz-Kan.) Elmaï, j’estime et j’admire ton courage. Parle, que veux-tu de Dgenguiz ?.. et je jure Dieu que la faveur que tu me demanderas, quelle qu’elle soit te sera accordée.

ELMAÏ. Meurtrier, ne me sépare pas plus long-temps de ma fille !

DGENGUIZ-KAN. Tu as raison, j’aurais dû me rappeler que tu es mère !… Tu demandes à rejoindre ta fille… je vais vous réunir… Soldats !… (mouvement d’effroi) soldats, ouvrez vos rangs ! Fille d’Elmaï, embrassez votre mère !

Idamé se jette dans les bras de sa mère.

TOUS. Idamé !

ELMAÏ. Idamé !… mon enfant ! vivante ! sauvée encore une fois !… Oh ! c’est une erreur ! un songe ! mon Dieu, ne me réveillez pas !

DGENGUIZ-KAN. En punissant la trahison, en respectant le dévouement filial, Dgenguiz a fait justice… Elmaï, Idamé, vous vivrez ; mais vous quitterez l’empire… Quant à toi, Marco, tu mérites la mort, car tu m’as trompé !… pourtant je te laisse la vie… je te rends la liberté, parce que je veux que par toi l’Europe apprenne le nom de Dgenguiz-Kan.

ELMAÏ. Seigneur, je te demande une dernière grâce : permets-nous de suivre cet étranger ; sa patrie doit être hospitalière, sa patrie sera la nôtre.

DGENGUIZ-KAN. Partez, Elmaï, partez à l’instant même, si vous ne voulez pas être témoin de la dévastation et de la ruine de cette ville ; j’en ai promis le pillage à mes troupes, car le pillage est leur part de gloire… Partez donc, et que Dieu vous protége !… (Une jonque s’avance, Elmaï, Idamé et Marco y montent.) Soldats ! pendant trois jours et trois nuits la ville de Péking est à vous.

Acclamations des Mongols qui se répandent avec le fer et le feu dans les rues et les maisons. Le désordre est général et l’incendie dévore bientôt toute la ville ; à la lueur, on aperçoit au fond la jonque qui emporte Elmaï, ldamé et Marco.


FIN.