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LANDRY. Oui, et c’est par faveur singulière que j’ai pu entrer dans la ville ; car toutes les issues sont occupées maintenant par les Mongols, et il n’est plus permis de franchir la dernière enceinte. (Montrant une maison.) Péki, entrons là, mon enfant ; cette bonne femme voudra bien vous donner les soins que votre état réclame. (À part.) Je ne sais pas trop si nous serons beaucoup plus en sûreté ici… Décidément je suis venu voir la Chine dans un mauvais moment. (Haut.) Allons, Péki, venez : ce qui doit vous consoler, c’est qu’au moins vous avez perdu le seigneur Papouf. (À part.) Pauvre petite ! Elle a passé une singulière nuit de noces.

Péki et Landry entrent dans une maison avec une femme chinoise qui les accueille.

LE GUERRIER, à ses camarades. Le conseil est assemblé ; sans aucun doute il consentira à l’échange proposé… Tout-à-l’heure Tschongaï sera au milieu de nous, et demain, je l’espère, il nous conduira jusqu’au milieu du camp des Mongols ; car nous avons une belle revanche à prendre.

Bruit au fond.

UN MARCHAND. On sort du conseil… L’impératrice descend les degrés du palais… Nous allons savoir.

Mouvement ; Elmaï paraît suivie d’Onlo et des Mandarins.

Scène II.

Les Mêmes, ELMAÏ, ONLO,
Les Mandarins.

ELMAÏ. Peuple, soldats ! Si Dgenguiz est un ennemi loyal, avant une heure vous aurez revu Tschongaï. Le conseil a décidé qu’on livrerait l’étranger à la fureur des Mongols, et qu’Holkar resterait en otage pour nous répondre au moins que le sang de Marco rachètera celui de l’empereur.

Mouvement de joie.

ONLO. Allez annoncer à Holkar la décision du conseil, et remettez l’étranger au pouvoir des Mongols qui accompagnaient l’envoyé de Dgenguiz.

UN OFFICIER, qu’on a vu arriver du fond, et qui a entendu Onlo. Je viens d’entendre notre impératrice annoncer qu’Holkar resterait en otage jusqu’à l’arrivée de Tschongaï ; mais Holkar a déjà quitté la ville.

Mouvement.

ELMAÏ. Que dis-tu ?

L’OFFICIER. La vérité : je me trouvais à la porte du nord quand les envoyés mongols s’y sont présentés ; et comme l’officier qui commande cette partie de la ville n’avait point reçu d’ordre contraire, il ne s’est point opposé au départ d’Holkar et des siens.

ELMAÏ. Mais, au moins, Holkar est parti seul ?

L’OFFICIER. Les Mongols emmenaient avec eux une personne renfermée dans un palanquin, et que nul n’a pu voir.

ELMAÏ. Plus de doute : c’est Marco qu’ils entraînent ! Marco qu’ils pourront massacrer impunément ; car ils n’ont pas laissé d’otage.

ONLO. Je ne puis croire qu’il ait à ce point violé la foi jurée et le droit des gens ; Je cours m’assurer moi-même. (Il monte les degrés.) Mais cette porte est fermée… et je crois entendre…

ELMAÏ. Quoi donc ?

ONLO. Des cris… des gémissemens

ELMAÏ. Ah ! ma fille était restée dans la pagode : Onlo, brisez, brisez cette porte ! (Après quelques efforts d’Onlo et des siens, la porte cède et tombe. Elmaï veut s’élancer dans la pagode en s’écriant :) Ma fille ! ma fille !

À ce moment, Marco paraît sur le seuil de la pagode, qui est élevé de plusieurs degrés.

TOUS. Marco !

Chacun reste muet de surprise et recule à mesure que Marco descend.

Scène II.

Les Mêmes, MARCO.

ELMAÏ, courant à Marco. Ma fille ?

MARCO. De la fenêtre de la prison où l’on m’avait enfermé, j’ai vu votre fille guider elle-même Holkar et les siens… Devinant son généreux projet, j’ai voulu l’arrêter par mes cris… mais elle ne m’a répondu que par un geste d’adieu, et elle a pressé sa marche. Dans l’espoir de la pouvoir suivre ou retenir, j’ai brisé la porte de la tour ; mais tous mes efforts se sont épuisés sur celle-ci.

ELMAÏ. Ah ! je comprends tout maintenant ! Idamé s’est dévouée pour sauver à la fois son père et son libérateur.

MARCO. Elle se perdra sans rien racheter ; car Dgenguiz-Kan n’épargnera pas son ennemi, et moi, je ne survivrai pas à tout ce que j’aimais. Par pitié !… par grâce !.. laissez-moi suivre Idamé, au moins, partager son supplice et mourir avec elle.

UN OFFICIER, arrivant du fond. Madame, une jonque portant le pavillon des Mongols a demandé passage… elle ramène, dit-on, l’empereur Tschongaï.

TOUS. L’empereur !.…

MARCO. On vous trompe !…… Dgenguiz ne sait pas faire grâce.