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Scène IV.

ELMAÏ, MARCO, IDAMÉ,
sur le palanquin.

ELMAÏ. Hâte-toi ! car ta présence me fait horreur !

MARCO. Madame, ce langage impitoyable… ces menaces… cette haine… tout cela va changer et s’éteindre.

ELMAÏ. Oh ! jamais.

MARCO. Avec quelques mots, je vais changer votre douleur en joie, votre haine en reconnaissance. Ces mots, les voilà : votre fille existe !…

ELMAÏ. Elle… oh ! tu me trompes… Tu veux par un mensonge racheter tes jours.

MARCO. Je vous ait dit la vérité… Dgenguiz, justement irrité contre Tschongaï, avait fait massacrer Hirotsong et ordonné le supplice d’Idamé… Dès cet instant, ce n’était plus que morte que votre fille pouvait sortir des mains de Dgenguiz..…… Je me suis offert alors pour être son bourreau ; et, grâce à un secret puissant, infaillible, j’ai pu, hier, dire à Dgenguiz : Idamé n’est plus… laisse-la moi… et je puis vous dire à vous, aujourd’hui : Votre fille est vivante, je vous la rends.

ELMAÏ. Oh ! je voudrais… mais je n’ose te croire.

MARCO. Si, devant tous, je ne vous ai point avoué la vérité, c’est pour que Dgenguiz ne cherche pas à ressaisir sa victime si demain il entre en vainqueur dans cette ville : le sommeil où j’ai plongé votre fille va cesser dans une heure peut-être… Hâtez-vous de la faire transporter dans l’appartement le plus secret de votre palais impérial. laissez croire à sa mort… Faites rendre, cette nuit même, à un cercueil vide les honneurs funèbres dus à la fille des empereurs…. puis cachez précieusement votre joie et votre enfant ; car Dgenguiz triomphera de Tschongaï, et Dgenguiz avait condamné Idamé.

ELMAÏ. Non, le mensonge ne peut emprunter ce langage… Non, tu me m’as pas trompée !… Ah ! sois béni entre tous les hommes, toi qui n’as pas oublié un serment fait à une pauvre mère !.… toi qui as risqué ta vie pour celle de mon enfant !… Mais comment t’arracher à la fureur du peuple sans lui avouer…

MARCO. Gardez-vous de trahir le secret que je vous ai confié… Je n’aurais fait alors qu’irriter la fureur de Dgenguiz ; et s’il faut ma vie pour sauver celle d’Idamé, je n’’hésiterai pas à la donner.

Bruit au dehors. Onlo entre précipitamment.

Scène V.

Les Mêmes, ONLO.

ONLO. Madame, il ne m’est pas possible de contenir l’impatience et la rage du peuple… Des fuyards qui ont pénétré dans la ville ont annoncé la défaite de Tschongaï… L’armée impériale, disent-ils, a été détruite par Dgenguiz-Kan ; votre époux est tombé au pouvoir de son ennemi. Hélas ! ces affreuses nouvelles ne sont que trop certaines… Déjà, du haut des tours, on aperçoit l’armée mongole menaçant la capitale du céleste empire… le peuple veut venger à la fois et votre fille et sa défaite… livrez-lui donc cet homme !

ELMAÏ. Le livrer ! lui ! Oh ! jamais !… jamais !

À ce moment, le peuple, repoussant les gardes de l’impératrice, entre dans la pagode.

Scène VI.

Les Mêmes, PEUPLE.

LE PEUPLE. Mort à l’étranger ! mort à l’étranger !

ONLO. Noble Elmaï, tu l’entends, le peuple veut du sang ! Il veut surtout effacer un revers par un triomphe ! il veut combattre, car il sait que, pour avoir vaincu deux fois, Dgenguiz-Kan n’est pas invincible… Au nom de mes soldats, je te jure qu’il n’entrera jamais dans la ville sainte… Au nom de mes soldats, je demande qu’on jette pour défi aux Mongols la tête de leur envoyé… Enfin, pour doubler encore la haine et la rage du peuple, laisse-nous lui montrer ce corps inanimé que la clémence de Dgenguiz t’a bien voulu rendre.

ELMAÏ. Que dis-tu ?

ONLO. Il sera porté devant nous… À sa vue, crois-tu qu’il puisse être un homme, quelque vieux ou faible qu’il soit, qui ne saisisse ses armes et marche contre le barbare ?

TOUS. Oui… oui… le corps d’Idamé !

ELMAÏ, se plaçant devant le palanquin. Oh ! jamais !

ONLO. Fille de Tschongaï, nous rougirons ton voile du sang des Mongols… et nous allons immoler à tes pieds l’homme qui fut ton bourreau peut-être !

On se jette sur Marco, on le renverse devant le palanquin d’Idamé, et l’on va le frapper.

ELMAÏ. Arrêtez, barbares, arrêtez !

TOUS. Non ! point de pitié !

À ce moment Idamé fait un mouvement et prononce ces mots :