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IDAMÉ. Jurez-moi que vous ne croyez pas à une perfidie, et j’anéantis cette lettre et je vous suis.

MARCO. Arrêtez ! puis-je répondre, moi, du cœur et des projets de Dgenguiz ? Pouvez-vous entendre ma voix, quand celle de votre mère vous crie : On te trompe !… Idamé ! je ne veux pas que votre mère puisse m’accuser un jour, je ne veux pas que votre sang versé retombe sur ma tête… Croyez-en votre mère, croyez-en ses craintes. Le moyen qu’elle vous donne est sûr ; les Mongols qui m’ont suivi sont en petit nombre, vos gardes vous arracheront facilement de leurs mains… Je n’opposerai à leurs efforts qu’une faible résistance.

IDAMÉ. Mais Dgenguiz vous punira peut-être.

MARCO. Ah ! que je meure et que je vous sauve !.… Appelez Hiaotsong ? qu’il se hâte, nos soldats sont sans défiance.

IDAMÉ. Non ; je ne veux pas vous perdre.

MARCO. Eh bien ! je vais moi-même…

Bruit au dehors.

IDAMÉ. Qu’est-ce que cela ?

MARCO. Une troupe de cavaliers s’arrête devant cette maison.

IDAMÉ. C’est un secours peut-être que ma mère m’envoie.


Scène XI.

Les Mêmes, HOLKAR, HIAOTSONG,
Officiers mongols, PAPOUF,
LANDRY, PÉKI.

HIAOTSONG. Princesse, une escorte nombreuse envoyée à votre rencontre par les ordres de Dgenguiz, et commandée par le noble Holkar, attend votre seigneurie.

MARCO. Plus d’espoir !

IDAMÉ, bas. Comme vous l’avez fait, peut-être la Providence me prendra en pitié.

HOLKAR. Madame, mon maître, impatient de connaître celle qui doit régner avec lui, nous a ordonné la plus grande diligence.

MARCO. Que faire ?

IDAMÉ. Obéir à sa destinée. (Haut.) Je suis prête.

HIAOTSONG. C’est ici, madame, que nous devons prendre congé de vous.

IDAMÉ. Adieu, mes amis. Vous reverrez ma mère… dites-lui bien que ma dernière pensée, mon dernier soupir seront pour elle.

HOLKAR. Partons.

MARCO, à part. Quelque danger qui la menace, je la sauverai.

Tout le monde sort, il ne reste plus en scène que
Papouf, Landry et Péki.

Scène XII.

PAPOUF, LANDRY, PÉKI.

PAPOUF. Ah ! voilà tout le monde parti.

PÉKI. Cette pauvre princesse avait l’air bien triste.

PAPOUF. C’est qu’elle pensait à la distance qui la sépare encore de son mari ; c’est comme toi tout-à-l’heure, qui faisais une petite moue délicieuse en voyant ces gens venir nous déranger. Mais maintenant nous n’avons plus rien à faire, et nous pouvons penser à notre bonheur, n’est-ce pas, mignonne ?

PÉKI. Je ne suis pas pressée.

PAPOUF. Pudeur de jeune fille… je connais ça ; mes onze premières femmes n’étaient jamais pressées d’abord ; à la fin elles me trouvaient toujours en retard. Allons, bon soir, Tsi-Tsing ; va te coucher, mon garçon… tu nous apporteras le thé demain matin.

LANDRY. Ca me crève le cœur.

Bruit au dehors.

PAPOUF. Encore quelqu’un !

PÉKI. Oh ! quel bonheur !

LANDRY. On vient ici.

PAPOUF. Ah çà ! on ne peut donc plus se marier. Au diable ! je n’y suis pour personne… mets à la porte le malencontreux visiteur.


Scène XIII.

Les Mêmes, ELMAÏ, ONLO.

PAPOUF. L’impératrice !… Je vais donc avoir toute la famille impériale sur les bras ?

ELMAÏ. Trop tard !.. nous arrivons trop tard !

ONLO. La princesse Idamé.…

PAPOUF. Vient de partir sous bonne escorte.

ELMAÏ. J’aurai donc inutilement encouru la disgrâce de l’empereur ? je t’aurai donc inutilement perdu, toi qui, seul, as compris mes angoisses, toi qui, seul, as tout bravé pour me suivre !… Idamé !…. Idamé est au pouvoir de Dgenguiz !… et demain la trêve sera rompue, demain. Oh ! non, cet espoir me reste encore. Cet étranger a un grand crédit auprès de Dgenguiz ; cet étranger m’a juré par son Dieu de veiller sur mon enfant… (Se jetant à une table et écrivant.) Rappelons-lui cette promesse… S’il me conserve ma fille… le trésor de l’empire est à lui… Mais qui pourra, sans éveiller les soupçons de Dgenguiz, remettre ce billet à l’étranger ?

LANDRY. Moi, si vous le voulez.