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vous autres, suivez-moi, allons au-devant de la princesse impériale.

LANDRY. La voici… Je ne me trompe pas, c’est le seigneur Marco qui l’accompagne.


Scène VIII.

Les Mêmes, MARCO, HIAOTSONG,
IDAMÉ.

MARCO. C’est dans ce village que, suivant les ordres de Dgenguiz, la princesse doit attendre l’escorte qui la conduira au camp de son noble époux.

HIAOTSONG. Vous êtes ici, madame, chez le mandarin Papouf.

PAPOUF. Qui s’estime bien heureux de (À part.) Je ne vais pas avoir le temps de me marier… c’est gentil !

HIAOTSONG. Veillez à ce que rien ne manque aux gens de la suite de la princesse.

PAPOUF. Oui, seigneur. (À part.) Tous ces soldats vont remplir ma maison, et je n’aurai pas un coin pour… (Bas à Péki.) Patience, ma petite femme, patience !

HIAOTSONG. Allez donc !

PAPOUF. Je voudrais avant présenter à la princesse.

HIAOTSONG. Votre femme ?

PAPOUF. Qui ne l’est pas encore… enfin ça ne tardera pas… au moins je l’espère. Avancez, petite, et saluez. (Bas à Landry.) Veille sur elle, Tsi-Tsing. (À part.) Qu’elle est jolie !… je suis dans un état… les Papouf ne finiront pas.

Il sort.

Scène IX.

Les Mêmes, excepté Papouf.

IDAMÉ. Comment vous nommez-vous ?

PÉKI. Péki.

IDAMÉ. Quel âge avez-vous ?

PÉKI. Dix-sept ans.

IDAMÉ. Vous êtes mariée ?

PÉKI. Oui, madame.

IDAMÉ. Aimez-vous votre mari ?

PÉKI. Non, madame.

IDAMÉ, à Marco. Elle aussi, on l’a sacrifiée.

MARCO. Ma belle enfant, ne pouvez-vous offrir quelques rafraichissemens à la princesse ?

PÉKI. C’est que je ne connais pas encore la maison de mon mari.

LANDRY. Oh ! mais je suis là, moi.

MARCO. Landry !

LANDRY. Oui, seigneur, Landry… bien heureux de vous revoir encore une fois. (Il place des rafraichissemens.) Voilà ce qu’il y a de meilleur ici.

IDAMÉ. C’est bien, laissez-nous, mes amis. Hiaotsong, quand l’escorte que nous attendons arrivera, vous viendrez me prévenir.

PÉKI, à Landry. Viens, tu me montreras la maison du seigneur Papouf.

LANDRY. Je vous montrerai tout ce que vous voudrez.

PÉKI, bas. On ne m’avait pas trompée, il est affreux, mon mari.

LANDRY. Vous trouvez ?

HIAOTSONG. Venez.

PÉKI, regardant Landry en soupirant. Ah ! quel dommage !

Ils sortent tous les trois.

Scène X.

IDAMÉ, MARCO.

IDAMÉ. Seigneur étranger, j’avais besoin de vous parler, à vous seul. Je vous connais à peine ; mais ce que vous avez fait pour ma mère, le tendre et respectueux intérêt que vous m’avez témoigné depuis qu’a commencé ce funeste voyage, tout vous a mérité ma confiance. Et cependant on m’’assure que je suis victime d’une infâme trahison.

MARCO. Vous !

IDAMÉ. Ce matin un homme couvert de poussière s’est approché de moi ; il m’a remis une lettre de ma mère. Voyez vous-même ce que cette lettre contient.

MARCO, lisant. « On me retient captive, je ne puis tromper la surveillance de ceux qui me gardent. Puisse ce billet parvenir jusqu’à toi avant que tu ne sois au pouvoir de Dgenguiz !.. Mon enfant, ce n’est point à un époux, c’est à un bourreau qu’on te conduit : l’hymen de Dgenguiz, c’est la mort. Refuse de suivre cet étranger. L’escorte qui t’accompagne est composée presque entièrement de grands du palais… dis-leur : Sauvez-moi.. ils te sauveront. »

IDAMÉ. Ma mère a raison ; ce mot suffirait, et ce mot, je ne l’ai pas prononcé… car je n’ai pu voir en vous un infâme imposteur ; je n’ai pu croire que vous ayez accompli froidement une aussi horrible mission… Oh ! n’est-ce pas, n’est-ce pas, on a trompé ma mère ?

MARCO. Ou l’on m’a trompé moi-même. Mais non ; Dgenguiz vainqueur, et maître de la moitié de cet empire, n’a aucun intérêt à souiller sa gloire.