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PÉKI, à part. Comme il me regarde.

LANDRY, à part. Je ne me lasse pas de la voir.

PÉKI, à part. Il ne me dit rien. Est-ce qu’il me trouve laide ?

LANDRY, à part. Il faut pourtant que je lui dise de….

PÉKI, à part. S’il allait me refuser !

LANDRY, haut. Ma belle demoiselle.….

PÉKI, à part. Comme il a la voix douce !

LANDRY. J’en suis désolé ; mais il faut rentrer.

PÉKI. Dans cette vilaine boite ?… Ah ! mon Dieu ! vous me renvoyez donc ?

LANDRY. Moi ?

PÉKI. Vous me trouvez trop jeune peut-être ? Enfin je ne vous plais pas ?

LANDRY, à part. Hein, qu’est-ce qu’elle dit ?

PÉKI. Ah ! mon Dieu ! que je suis malheureuse !… Je ne suis pas si difficile que vous, moi… je vous trouvais très-bien.

LANDRY, à part. Bon… elle me prend pour le seigneur Papouf.

PÉKI. On avait voulu me surprendre… je le vois bien à présent ; car on m’avait dit : Le seigneur Papouf n’est pas très-beau, ce qui veut dire très-laid ; pas très-jeune, ce qui veut dire très-vieux ; pas très-aimable, ce qui veut dire détestable ; et vous ne ressemblez guère à ce portrait-là.

LANDRY, à part. Je me flatte de ne pas ressembler du tout à Papouf.

PÉKI. Ah ! gardez-moi, gardez-moi, seigneur ; vous verrez que je suis bien gaie, bien folle, je jouerai, je courrai avec vous toute la journée.

LANDRY. Pauvre enfant… si elle savait. on vient… je suis perdu… Allons, vite, rentrez.

PÉKI. Pourquoi ?

LANDRY. Parce qu’on va vous surprendre.

PÉKI. Avec mon mari.. Où est le mal ? ne serons-nous pas toujours ensemble ?

LANDRY, à part. Son mari.. elle y tient.

PÉKI. D’abord je ne veux plus vous quitter.

LANDRY. Elle est à croquer cette petite Chinoise-là !… Oh !… voilà le seigneur Papouf.


Scène VII.

Les Mêmes, PAPOUF.

PAPOUF. Ah ! je respire… j’ai fait mettre la robe de côté pour les petits Papoufs à venir. (À part.) Que vois-je ?

LANDRY, bas. Pardon, seigneur… j’ai craint que madame se trouvât mal aussi… et j’ai cru devoir… qu’est-ce qu’on me fera pour ça ?

PAPOUF. Tu as eu tort… mais je te pardonne, parce que tu ne connais pas nos usages. Un naturel du pays aurait été assommé s’il s’était permis. Enfin si je me remarie encore tu te tiendras pour averti… Voyons un peu la femme qu’on m’a envoyée.

PÉKI, bas à Landry. Dites donc, qu’est-ce que c’est que ce gros-là.. hein ?

LANDRY. Chut !

PAPOUF. Elle est délicieuse.

PÉKI. Il est trop laid.

PAPOUF. Approche, petite.

PÉKI, à part. Je devine… c’est le père de mon mari.

PAPOUF. M’aimerez-vous, mon enfant ?

PÉKI. Certainement.

LANDRY, à part. Ah çà ! elle aime tout le monde, la petite Chinoise.

PAPOUF. Serez-vous bien contente d’être ma petite femme ?

LANDRY. Oui… oui…

PÉKI. Hein ?..

PAPOUF. Aurez-vous bien soin de votre petit mari ?

PÉKI. Qu’est-ce qu’il dit donc, ce vieux ?

PAPOUF. Ce vieux…

PÉKI, bas à Landry. C’est votre père, n’est-ce pas ?

LANDRY. Chut, c’est votre mari.

PÉKI, avec effroi. Mon mari… lui ?

PAPOUF. Sans doute…Votre mari, votre seul mari… c’est moi.

PÉKI, à part. Ah ! quel dommage !

PAPOUF. Je vous prends, entendez-vous, je vous prends, et tout de suite. Voilà votre appartement, je vais vous y conduire.

PÉKI. Déjà ?

LANDRY, à part. Pauvre petite !

Bruit au dehors.

PAPOUF. Qu’est-ce que c’est que ça ?

UN ESCLAVE, paraissant. Seigneur, une troupe de seigneurs et de cavaliers, escortant la fille de notre sublime empereur et se rendant au camp des Mongols, vient de s’arrêter devant votre maison.

PAPOUF. Une fille de l’empereur ?

LANDRY. C’est un honneur pour vous, seigneur Papouf.

PAPOUF. Qui vient fort mal à propos… Enfin… patience, ma petite femme, patience, tu ne perdras rien pour… Allons,