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LANDRY. Oh ! monseigneur, vous n’avez encore gagné que trois pouces.

PAPOUF. Allez encore, serrez.. serrez.. (On tourne le bambou.) Là, je dois être arrivé.

LANDRY. À peu près.

PAPOUF. Vite, la robe.

Après bien des efforts, il entre enfin dans la robe comme dans un fourreau.

LANDRY. Voilà qui est fait.

On entend le bruit d’instrumens.

PAPOUF. Il était temps, ces sons harmonieux annoncent ma femme. Ca me gêne un peu, mais je m’y ferai.

On voit arriver la famille, les amis de Péki, précédés de musiciens ; deux esclaves portent une chaise en forme de boîte, hermétiquement fermée.

Scène IV.

Les Mêmes, PÉKI, Les Parens.

LANDRY. Où donc est la mariée ?

PAPOUF. Silence.

LE PÈRE. Seigneur mandarin, en exécution de notre promesse, nous vous amenons notre petite Péki… vous savez maintenant ce qui vous reste à faire.

PAPOUF. Sans doute ; la garder si elle me convient, la renvoyer si elle me déplait. Dans une heure vous aurez ma réponse.

Les parens saluent et sortent.

Scène V.

LANDRY, PAPOUF,
PÉKI, dans la boîte.

LANDRY, cherchant toujours. Eh bien ! ils s’en vont ?

PAPOUF. Sans doute.

LANDRY. Et votre femme ?

PAPOUF. Je l’ai.

LANDRY. Bah !

PAPOUF, montrant une clef que le père de Péki lui a donnée en partant. La voilà.

LANDRY. C’est une clef ?

PAPOUF. Cette clef ouvre cette chaise, et ma femme est là.

LANDRY. Comment, dans cette boîte ?

PAPOUF. Je vais ouvrir la portière, regarder ma femme de la tête aux pieds : si elle ne me convient pas, je referme la portière, je rappelle la famille, on remporte la jeune personne, je garde les présens, et tout est fini ; à une autre.

LANDRY. Alors ouvrez donc vite.

PAPOUF. Certes, je suis d’une impatience… (Il s’arrête tout-à-coup.) Tsi-Tsing, je ne sais pas ce que j’ai.

LANDRY. Est-ce que vous vous trouvez mal ?

PAPOUF. L’émotion ; la joie, la robe, tout ça me remonte… tout ça m’étouffe… Je dois être bien pâle ?

LANDRY. Il est écarlate.

PAPOUF, laissant tomber la clef. Tsi-Tsing… soutiens-moi.. les jambes me manquent… je crois que je vais tomber.

LANDRY. Miséricorde ! (Papouf tombe sur Landry.) C’est un monde… il va m’écraser sous lui. Sauve qui peut ! (Laissant glisser Papouf.) Tâchez de tomber tout doucement, monseigneur. (Papouf tombe lourdement à terre.) Le malheureux ! c’est sa ceinture. Au secours ! au secours ! (Les esclaves accourent.) Relevez votre maître, transportez-le dans la salle voisine, coupez, déchirez cette robe… ou c’est un mandarin perdu, et adieu la race des Papouf. (Les esclaves essayent de soulever Papouf, ils n’y peuvent réussir.) Il n’y a qu’un moyen d’en finir, faites-le rouler… ça ira tout seul.

Les esclaves poussent Papouf, qu’ils font rouler devant eux. Ils disparaissent.

Scène VI.

LANDRY, PÉKI, dans la boîte.

LANDRY. Pauvre Papouf, voilà un jour de noce qui commence mal… Et la petite mariée qui attend toujours… ça n’est pas gai pour les femmes, les mariages en Chine ; elle doit étouffer aussi là-dedans. Si je pouvais lui donner un peu d’air… en même temps j’apercevrais peut-être… (En cherchant il trouve la clef.) Une clef… je ne me trompe pas… c’est celle de la boîte. Heureux hasard !… Un moment… je ne connais pas parfaitement les lois du pays, il y a peut-être peine de mort pour celui qui… ! je me risque… je veux la voir le premier. Si j’allais découvrir là-dedans le pendant du seigneur Papouf… une monstruosité.… Non… je suis sûr qu’il y a là au contraire une petite femme charmante… Je suis tout seul… d’ailleurs, je ne ferai qu’entr’ouvrir la portière… je la refermerai tout de suite.

Il s’approche doucement de la chaise, entr’ouvre la portière, qu’on pousse aussitôt avec force.

PÉKI, sortant vivement de la boîte. C’est bien heureux !

LANDRY. Bonté divine ! voilà l’oiseau envolé.

PÉKI. Ah ! je ne respirais plus. |

LANDRY, la regardant. Sainte Vierge, qu’elle est gentille !

PÉKI, le regardant. Voilà dont mon mari… j’en ai un enfin… il n’est pas mal…

LANDRY, à part. Quels yeux ! quelle taille !.… quelle fraîcheur ! Et donner tout cela à Papouf !.. quel meurtre !