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ACTE DEUXIÈME.

Premier Tableau.
Le théâtre représente une salle basse de la maison de campagne du mandarin Papouf. Au fond, des jardins. Au lever du rideau, Papouf est à sa toilette.

Scène PREMIÈRE.

PAPOUF, LANDRY, Esclaves.
Papouf est assis et Landry lui peint les sourcils.

LANDRY. Décidément, seigneur Papouf, c’est aujourd’hui qu’on vous amène votre femme ?

PAPOUF. Aujourd’hui.

LANDRY. Et vous ne la connaissez pas ?

PAPOUF. Je t’ai déjà dit que je ne devais la voir qu’au moment même.

LANDRY. À la bonne heure… vienne à présent la future madame quand elle voudra.… De jaune et gris que vous étiez, vous voilà, grâce à mon pinceau, redevenu rose et noir. (À part.) Il est encore plus laid comme ça.

UNE ESCLAVE, paraissant. Seigneur Papouf, les parens de votre fiancée sont là.

PAPOUF. Qu’ils attendent.

L’ESCLAVE. Ils apportent les présens d’usage.

PAPOUF. Ah ! qu’ils entrent. (L’esclave sort.) J’achèverai ma toilette quand ils seront partis. Je crois que mon douzième mariage sera plus heureux que les autres, je me sens tout gaillard.


Scène II.

Les Mêmes, LES PARENS.

LE PÈRE. En attendant que ma fille vous soit amenée, veuillez accepter les faibles dons de sa famille.

PAPOUF. Très-bien, très-bien ; j’accepte tout. Qu’est-ce qu’il y a là dedans ?

LE PÈRE. Entre autres choses, un habillement complet qui a été coupé, cousu et brodé des mains de ma fille Péki.

PAPOUF. Pour moi ?

LE PÈRE. Elle l’avait fait à l’avance pour le mari qu’on lui choisirait.

PAPOUF. Je veux m’en parer aujourd’hui même pour la recevoir.

LE PÈRE. Maintenant je vais la chercher ; nous vous l’amènerons tout-à-l’heure avec les cérémonies d’usage.

PAPOUF. C’est entendu.

LE PÈRE, s’inclinant. Monseigneur…

PAPOUF. Au revoir.

Les parens sortent.

Scène III.

PAPOUF, LANDRY.

PAPOUF. Eh ! vite, Tsi-Tsing, passe-moi ce costume offert par la charmante Péki… Il m’ira bien, n’est-ce pas ?

LANDRY. Hum ! hum !

PAPOUF. Quoi donc ?

LANDRY. Il paraît que la jeune personne, en faisant ce costume, n’a pas prévu qu’elle épouserait un aussi puissant seigneur que vous.

PAPOUF. Comment ?

LANDRY. Votre seigneurie ne pourra jamais tenir tout entière dans cette robe-la.

PAPOUF. Avec un peu de bonne volonté j’y serai fort à mon aise. Prends cette ceinture et serre-moi.

LANDRY. Puisque vous le voulez absolument. (À part.) Il y aura du mal à se donner… enfin, en y employant tout le monde… (Aux esclaves.) Venez ici, vous autres, passez-moi ce bambou. (Il fait une sorte de tourniquet.) Il est assez fort ; maintenant, tournez-moi cela jusqu’à ce que monseigneur ait repris une forme humaine, c’est-à-dire, jusqu’à ce qu’il nous crie : assez… Y êtes-vous ? (Il prend la mesure de la robe et la mesure de la taille de Papouf.) Il ne s’en faut que de deux pieds, monseigneur, il faudra beaucoup de bonne volonté. Allez, vous autres.

Les esclaves tournent le bambou qui presse la ceinture.

PAPOUF. Bien, très-bien, je fonds, je fonds à vue d’œil… Allez toujours, toujours… encore…

LANDRY, à part. Le malheureux va éclater.

PAPOUF. Assez, assez. Tsi-Tsing ; la mesure y est-elle ?