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Scène VIII.

Les Mêmes, L’EMPEREUR, LIPAO,
HIAOTSONG, Les Filles de l’empereur,
Mandarins, Gardes.

L’EMPEREUR. Envoyé de Dgenguiz, après avoir consulté le sublime conseil, désirant avant toutes choses tarir les torrens de sang qui coulent, et rendre à mon empire la paix et la sécurité, je consens à l’alliance que votre maitre veut former ; je lui donne pour épouse une des filles que le ciel m’a données. Toutes me sont également chères, il me serait donc impossible de choisir entre elles ; le sort désignera celle de mes filles qui devra vous suivre au camp de Dgenguiz.

ELMAÏ. Qu’entends-je ?.. Seigneur, vous m’aviez promis…

L’EMPEREUR. De ne pas désigner Idamé : je tiens ma parole. Les noms de mes douze filles sont dans cette urne. L’étranger va lui-même interroger le sort ; mais quel que soit le nom qui sortira de l’urne, je jure que la volonté du destin sera sacrée pour moi. Au nom de votre maître prenez-vous le même engagement ?

MARCO. Oui, seigneur.

ELMAÏ, pressant sa fille sur son cœur. Oh ! ayez pitié d’elle et de moi, mon Dieu !

LIPAO, s’inclinant. Tout est disposé, seigneur.

L’EMPEREUR. Envoyé de Dgenguiz, remplissez votre mission.

Marco, après avoir hésité long-temps, s’avance vers l’urne, tire un parchemin roulé et le remet à Lipao, qui le déroule et lit à haute voix : Idamé.

ELMAÏ et IDAMÉ. Ah !

L’EMPEREUR, aux mandarins. Faites préparer la litière impériale… elle conduira ma fille jusqu’aux portes de la ville… Allez.

ELMAÏ. Que dites-vous, seigneur ? avez-vous donc pensé que je me soumettrais à la volonté du sort ? l’ai-je juré, moi ? Oh ! non… et ce serment horrible se fût-il échappé de mes lèvres, je serais parjure à à présent. Eh quoi ! mon enfant, si jeune et si belle, je l’abandonnerais à la vengeance d’un barbare qui vous la demande non pour en faire sa femme mais son esclave. Seigneur, il est un autre moyen de sauver votre empire ; appelez-en au dévouement de vos soldats, au patriotisme de vos sujets… mais acheter La paix au prix du bonheur d’une jeune fille, au prix des larmes d’une mère ! seigneur, vous ne ferez pas cela, car ce serait une lâcheté, car ce serait une action déshonorante, infâme. Seigneur, à la marche triomphante de votre ennemi, opposez le courage du désespoir ; alors demandez-moi de mourir à vos côtés, je suis prête ; mais livrer mon enfant, oh ! jamais ! jamais !

L’EMPEREUR. J’ai juré de me soumettre à la volonté du sort ; le sort a désigné votre fille, elle partira. Gardes, vous m’avez entendu ? Envoyé de Dgenguiz, rien ne vous retient plus à ma cour ; conduisez à votre maître la fille de Tschongaï.

MARCO, à Elmaï. Madame, si le serment de veiller sur votre fille peut adoucir vos cruelles angoisses, recevez-le. Tant que Marco vivra, la princesse Idamé n’a rien à craindre d’un ennemi, cet ennemi fût-il Dgenguiz lui-même.

L’EMPEREUR. Partez.

On arrache Idamé des bras de sa mère ; Marco l’entraîne ; elle est suivie de ses sœurs et des mandarins.

Scène IX.

L’EMPEREUR, LIPAO, HIAOTSONG, ELMAÏ,
Mandarins.

L’EMPEREUR, avec vigueur. Et maintenant que Dgenguiz, confiant dans notre alliance, se repose sur ses armes, nous reprenons les nôtres. Quelques jours suffiront pour ramener vers le nord toutes les troupes qui garnissent les autres parties de l’empire ; dans quelques jours nous aurons six cent mille combattans(À Elmaï.) Vous voulez la guerre, madame ? vous la verrez se réveiller bientôt ardente, terrible, impitoyable.

ELMAÏ. Qu’entends-je ? Vous n’avez donc consenti à cet odieux hymen que pour mieux tromper Dgenguiz ? Malheureux ! il se vengera sur ma fille de votre trahison ; c’est à la mort que vous envoyez mon enfant.

L’EMPEREUR. Que Dieu la prenne, et qu’il sauve l’empire !

ELMAÏ. Ah ! elle ne partira pas… (Ici la Jonque impériale sur laquelle on distingue Marco, Idamé et ses sœurs, passe au fond.) Arrêtez ! arrêtez !

L’EMPEREUR. Étouffe ces cris, femme. Si je t’ai enlevé ton enfant, je te jure de te la rendre et de la venger !


FIN DU PREMIER ACTE.