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MARCO. On vient.

LANDRY. C’est mon maître… Voyez comme on se porte dans ce pays-ci.


Scène V.

Les Mêmes, PAPOUF

PAPOUF. Tsi-Tsing.

LANDRY. Dieu vous bén… Hein ?…. plaît-il ?

PAPOUF. Nous allons partir ; fais avancer ma chaise… dépêchons-nous.

LANDRY. Le seigneur intendant a consenti…

PAPOUF. À tout… Nous allons quitter Péking à l’instant même. Ma fiancée m’attend, et je ne me suis jamais senti si bien disposé.

MARCO, bas à Landry. Encore une fois, Landry, veux-tu redevenir libre ? pars, et quelque prix que cet homme mette à ta personne…

LANDRY. Merci… mais je vous l’ai dit : Le hasard m’a fait Chinois, je resterai Chinois.

MARCO. Adieu donc.

Pendant ce temps on a apporté la chaise de Papouf.

PAPOUF. Allons, Tsi-Tsing.

LANDRY. Me voilà.

MARCO. Que Dieu te soit toujours en aide, mon pauvre Landry.

LANDRY, lui baisant les mains. Puisse-t-il permettre que je vous revoie encore.

La chaise se met en marche, et Landry reprend la place qu’il avait en arrivant. Marco le suit des yeux.

Scène VI.

MARCO, puis IDAMÉ.

MARCO. Il s’éloigne… et je ne le verrai plus sans doute… Puisse-t-il être heureux !

IDAMÉ, voilée. Le voilà.

MARCO, se retournant. Quelle est cette jeune fille ?… elle vient à moi.

IDAMÉ. Noble étranger, l’empereur va tout-à-l’heure te faire connaître sa suprême volonté. Aujourd’hui tu quitteras notre ville ; tu retourneras sans doute un jour dans ta lointaine patrie, et jamais le hasard ne nous placera maintenant sur la même route… Je n’ai pas voulu que celui qui m’a rendu ma mère s’éloignât sans entendre mes actions de grâce, sans recevoir toute l’expression de ma reconnaissance.

Elle ôte son voile.

MARCO. Que vois-je ? la princesse Idamé !.…

IDAMÉ. La plus heureuse des filles !… et cette joie qui fait battre mon cœur, c’est toi qui l’as causée. Sans toi, ma mère aurait péri sous les coups d’un impitoyable ennemi ; et que serait alors devenue la pauvre Idamé dans cette cour brillante, où elle n’a que le cœur de sa mère qui l’écoute et la comprenne ?

MARCO. Votre père…

IDAMÉ. Tout à sa politique, il sait à peine qu’une de ses filles se nomme Idamé.

MARCO. Vos sœurs ?

IDAMÉ. Ont perdu leur mère et sont jalouses des caresses que me prodigue la mienne… Je te l’ai dit, ma consolation, mon bonheur, ma vie, c’est ma mère… et tu m’as rendu tout cela. Écoute ; fille du maître du plus grand empire du monde, je ne possède rien ; et quand j’aurais voulu mettre le trésor impérial à tes pieds, quand j’aurais voulu te donner une fortune, je ne puis que t’offrir un gage d’éternelle amitié… Ce collier de perles me vient de ma mère, accepte-le : de retour dans ta patrie, il te rappellera Idamé ; il te rappellera que dans un autre monde tu as fait une femme bien heureuse. Ne me refuse pas ; si ma reconnaissance est éternelle, je veux espérer aussi que mon souvenir ne s’effacera pas entièrement de ton cœur.

MARCO. Oh ! il ne s’effacera jamais.

Il accepte en s’inclinant le collier de perles.

Scène VII.

Les Mêmes, ELMAÏ.

ELMAÏ, avec indignation. Les lâches.

IDAMÉ, allant à elle. Ma mère !

ELMAÏ. Ils traitent quand il faut combattre. Au lieu de venger sa défaite, l’empereur achète une paix honteuse, incertaine ; et à quel prix, grand Dieu !

MARCO. L’empereur consent.

ELMAÏ. À sacrifier une de ses filles. Oui, il la jette au vainqueur comme une proie à dévorer… Oh ! Dgenguiz n’aurait pas fait une semblable proposition à une mère.

IDAMÉ. Quelle est celle de nous ?…

ELMAÏ. Je l’ignore… mais l’empereur m’a juré par nos dieux de ne pas désigner Idamé.

IDAMÉ, l’embrassant. Ah ! je ne vous quitterai donc pas, ma mère !

Les portes du palais s’ouvrent à ce moment. Les gardes, les mandarins, le grand prêtre, les filles de l’empereur, puis l’empereur lui-même, paraissent. Deux prêtres portent une urne d’or.