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––––J’prendrai l’ boulet, t’auras les épaulettes ;
––––A moi l’boulet, pour toi les épaulettes.

L’arrangement te va, n’est-ce pas ? Eh ben, c’est entendu ; mais ne te monte pas la coloquinte comme ça, et viens te coucher.

PASCAL, sans l’écouter.

Vois-tu, Chambord, je reviendrai avec mon titre, ma gloire, mon amour, et je lui dirai : V’là bien long-temps que je vous aime, en dedans, pour moi tout seul ; je n’ai voulu revenir que quand je serais digne de vous, me v’là ! et si elle trouve que ce n’est pas assez… eh bien, je retournerai là-bas, gagner quelque chose de plus.

CHAMBORD, à part.

Encore quelque petite chose de plus ! comme il y va ! ça ne lui coûte rien du tout !

PASCAL.

Et elle m’épousera, Chambord, elle m’épousera ! si t’étais baronne, toi, t’épouserais bien un général, n’est-ce pas ?

CHAMBORD.

Moi ! j’épouserais même un caporal, s’il était bel homme ! Viens te coucher.

PASCAL.

Non, je veux rester ici, je suis encore plus près d’elle.

CHAMBORD.

Puisque tu ne veux pas taper de l’œil moi, de mon côté, je vas me livrer à une passion désordonnée, je vas fumer ma pipe, là, dans le jardin, pour ne pas trop encenser ta baronne. Je suis sûr que la petite Allemande aime l’odeur du tabac : si je pouvais la rencontrer, si elle pouvait être somnambule, cré coquin ! quel réveil je lui ménagerais !

Il sort par le fond en chantant :

––––Margoton, etc.

Scène XIII.

PASCAL ; puis FRÉDÉRIC.
PASCAL.

Il me croit fou, il a raison : la gloire, les honneurs à moi ! Est-ce que je deviendrai jamais quelque chose ? Où sont mes amis, mes protecteurs ? je n’ai que mon courage, et quand même j’arriverais à un grand échelon, il faut du temps ; les généraux, ça ne pousse pas comme des champignons, et pendant que je me battrai, peut-être qu’un autre… oh ! non, non, elle n’épousera personne ! elle m’attendra, je me dépêcherai… Allons, rentrons !

Il entre dans sa chambre à gauche en emportant le flambeau. Obscurité.

FRÉDÉRIC, poussant la fenêtre de droite.

Ah t enfin ! tout le monde dort ; je me suis rappelé que ce balcon était peu élevé.

PASCAL, sortant de sa chambre.

Non ! je ne peux pas tenir en place.

FRÉDÉRIC.

Allons, il faut brusquer ce mariage, ou je suis ruiné !

PASCAL.

J’entends du bruit.

FRÉDÉRIC, allant à la porte de droite.

L’obscurité me favorise ; heureux mortel ! m’y voici !

PASCAL, le saisissant.

Pas encore !

FRÉDÉRIC.

Un de mes soldats !

PASCAL.

Le baron !… misérable !

FRÉDÉRIC.

Ne serrez pas si fort !… j’étouffe, je désire descendre.

PASCAL.

Oh ! tu descendras plus vite que tu n’es monté !

FRÉDÉRIC.

Pas de plaisanterie.

PASCAL.

Quinze pieds de haut, tu ne te tueras pas.

FRÉDÉRIC.

Au secours !

PASCAL, le poussant.

Infâme !…

La sonnette de la grille s’agite, le bruit va crescendo.


Scène XIV.

PASCAL, WILHELMINE, puis CHAMBORD[1].
WILHELMINE, sortant de sa chambre.

Ces cris… ce bruit… ce tumulte… qu’y a-t-il ? qu’avez-vous fait ?

PASCAL.

Rien, madame, rien !

WILHELMINE.

Expliquez-vous !

PASCAL.

Un homme allait s’introduire dans votre appartement à l’aide de cette clef ; je la lui ai arrachée… la voilà. Cet homme était entré par cette fenêtre ; je lui ai fait reprendre le même chemin pour sortir… voilà tout.

WILHELMINE.

Oh ! mon Dieu !

CHAMBORD, accourant par le fond[2].

Pascal ! Pascal !…

WILHELMINE.

Qu’y a-t-il ?

CHAMBORD.

T’entends donc pas ce bruit ?… ces crosses de fusil !

PASCAL.

Eh bien ?

CHAMBORD.

C’est la ronde du capitaine ; il passait devant le château, a entendu les cris du petit maigre, et l’a vu faire le saut périlleux !

WILHELMINE.

Qui donc était-ce ?

  1. Pascal, Wilhelmine.
  2. Chambord, Pascal, Wilhelmine.