Oui, car il n’y a pas à douter de son authenticité ; il a été scellé avec l’épée de Charlemagne. (Il ouvre le parchemin.) Ah ! mon Dieu !…
Qu’as-tu donc ?
Regarde !… Oh ! c’est impossible !… (Il approche le parchemin de la lueur de la flamme pour mieux voir.) Rien !… il n’y a plus rien !…
Les caractères écrits par Alcuin, l’empreinte du sceau royal, tout a disparu !
Scène IX.
Messires !… messires !…
Eh bien ?
Tu as trouvé ?
Rien.
Pourquoi revenir alors ?
Parce que j’ai aperçu une demi-douzaine de bandits acharnés après un pauvre vieillard.
Il fallait nous appeler.
Je n’avais plus de voix ; mais j’ai retrouvé des jambes.
Allons à son secours.
C’est inutile… ils l’amènent de ce côté… Tenez, les voilà.
Arrête !… Dans la situation où nous nous trouvons, la prudence est nécessaire… Avant de nous engager dans une rencontre périlleuse, observons.
Mais s’ils veulent tuer ce vieillard ?
Nous serons là, Renaud.
Saint Bonaventure entendra encore parler de moi aujourd’hui.
Scène X.
Misérables ! je vous ai dit mon nom et vous ne reculez pas devant le crime !…
Ton nom, c’est ton arrêt !… Tu vois cette tombe ?
C’est celle de Giafar le Barmécide.
Oui, de Giafar, injustement mis à mort… C’est au pied de cette tombe que tu vas mourir. (Il fait chanceler le vieillard, qui tombe un genou en terre.)
Si Giafar fut coupable, le prophète m’enverra des défenseurs.
Non pas le prophète, mais Dieu lui-même !
Arrière ! lâches meurtriers ! arrière ! (Les Musulmans, épouvantés, s’enfuient.)
Saint Bonaventure, combats pour moi, mon bon petit saint Bonaventure !
Scène XI.
Grâces vous soient rendues, vaillants étrangers.
À l’avenir, vieillard, gardez-vous de voyager seul ; vous ne sortiriez pas toujours aussi heureusement d’une mauvaise rencontre.
Pour que je puisse conserver le souvenir de mes libérateurs, dites-moi, de grâce, à qui je dois ce secours inespéré.
Nous sommes deux ambassadeurs du roi Charlemagne, et nous nous rendons à la cour du calife Haraoun !
Des ambassadeurs ?…
Ne pouvons-nous savoir aussi qui vous êtes ?
Un marchand de Bagdad, qui s’estimerait heureux de pouvoir reconnaître dignement le service que vous lui avez rendu.
Messire Richard ?
Hein ?
Si vous lui demandiez un chameau… il m’aiderait un peu.
Je me rendais à mon habitation d’été ; mais j’en suis loin encore.
Nous allons être forcés de vous quitter.
Il faut que nous soyons à Bagdad à l’ouverture des portes.
C’est fâcheux, attendu que deux épées comme les vôtres sont bonne compagnie en voyage.
Une seule suffira, je vous accompagnerai.
Ah ! nous allons rester. (Il s’assied.)
Debout, Griffon.
Hein ?… pourquoi ?…
Nous allons à Bagdad.
Nous nous retrouverons demain, mon frère.
Au caravansérail de la mosquée d’Aly. (Renaud et le vieillard sortent par la droite, Richard et Griffon par la gauche.)
Scène XII.
puis RICHARD et GRIFFON.
Voyons si de ce côté et à la faveur de ce costume nous serons plus heureux.
Il est gentil le costume, la coiffure surtout ! il me semble que j’ai la tête dans un obélisque !
Renaud n’arrive pas… ce vieillard l’aura emmené bien loin peut-être… N’importe ! avec ou sans mon frère… je saurai bien reconquérir celle que nous avons juré de ramener en France…
Prenez garde de vous embarquer dans quelque mauvaise affaire… songez que vous n’êtes pas seul.