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SA VIE — SES ŒUVRES

l’action dramatique, à fausser les traita de telle figure historique, à prêter à tel personnage de nos annales un langage peu en harmonie avec ses habitudes et son caractère. À un autre point de vue, faire côtoyer des événements pleins d’intérêt et de grandeur par une fiction romanesque s’y rattachant d’une façon factice, c’était risquer de développer une intrigue qui pouvait paraître d’autant plus froide et mesquine qu’elle rappelait le souvenir écrasant de nos fastes nationales et qu’elle était incapable de modifier la marche de ces événements.

Dans Madame de Montarcy, Bouilhet, grâce à l’heureux choix de son sujet, sut esquiver avec une grande souplesse les difficultés qu’il avait à vaincre. Il a prêté à Mme de Maintenon, à la duchesse de Bourgogne, des pensées, des sentiments et une allure que les récits du passé permettent de leur attribuer. Si les tirades bruyantes et les airs de bravoure de Louis XIV détonnent sous les coupoles de Versailles, le Roi ne manque pas de vérité avec sa hauteur, son égoïsme et cette conviction qui perce à tout instant que l’État se résume en lui. Si Mme de Maintenon, cette reine au pouvoir discret, si remarquable par son esprit et sa mesure, perd la vraisemblance quand elle se transforme en favorite haineuse et jalouse, sa figure n’en conserve pas moins un certain relief. Ce caractère singulier plus fait pour gouverner que pour aimer, a été par l’un de ses côtés observé avec soin. La duchesse de Bourgogne, quoi qu’elle ait parfois quelques airs de grisette couronnée, est dessinée avec une grâce aimable. D’Aubigné, plein d’insouciance et d’étourderie, en dépit d’un langage par moments étrange, par exemple, quand il demande à sa sœur le bâton de maréchal, sème quelque gaieté dans la pièce.

Dans la Conjuration d’Amboise, Bouilhet n’eut pas la main aussi heureuse. Ce n’est plus au milieu du parc