Page:Angot - Louis Bouilhet, 1885.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
91
SA VIE — SES ŒUVRES

I

À quatre reprises le poëte a mis en scène des personnages historiques, mais deux fois il ne vit guère dans l’Histoire qu’un décor ayant pour but d’enjoliver la fiction, et dans ses héros que des acteurs destinés seulement, la plupart du temps, à donner la réplique à des personnages imaginaires. Nous nous réservons d’apprécier ce genre de composition qui ne satisfait point l’esprit, divise l’intérêt et retarde la marche du drame. L’analyse de Madame de Montarcy et de la Conjuration d’Amboise peut donner une idée du procédé et de sa valeur.

Le sujet de Madame de Montarcy est des moins compliqués. Mme de Montarcy, femme d’un simple capitaine aux gardes et nouveau venu à la cour de Louis XIV, est distinguée par le Roi qui l’attache à la personne de Mme de Bourgogne. Ses fonctions consisteront à protéger discrètement la jeune duchesse contre son inexpérience et les audaces amoureuses de Maulévrier. Les courtisans et Mme de Maintenon se méprennent sur le rôle de la jeune dame d’honneur. Pour eux, c’est une nouvelle favorite qui commence son règne, et dont il faut savoir ménager l’influence. Pour Mme de Maintenon, c’est une rivale qui surgit et qu’il faut écarter à tout prix de son chemin. Comment faire ? Rien de plus facile. Elle éveille la jalousie du mari. Un sourire du roi à Mme de Montarcy, un entretien secret avec le monarque, un baiser dont il effleure la main de la dame d’honneur, quelques mots perfides de la favorite, deux billets anonymes engageant Montarcy à surveiller sa femme, c’en est assez pour convaincre le pauvre jaloux qu’il est trompé. Est-il besoin d’autres preuves ? Le roi prêt à faire la guerre lui envoie le brevet de colonel. C’est un nouvel indice de la trahison de sa femme.