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SA VIE — SES ŒUVRES

est belle : yeux clairs, dents blanches, taille adorable, elle pousse comme un rosier parmi les tombes ; elle chante ses légères chansons dans le silence du lieu funèbre, et les morts semblent vouloir s’éveiller et suivre ses pas :

Mets tes bras à mon cou, mignonne.
Ils ont eu ce que nous avons ;
Nous qui vivons, nous qui vivons,
Embrassons-nous, la vie est bonne.

Toc ! toc ! toc ! on entend le bruit
Du vieux qui bêche dans la nuit.

Nos baisers, en ces lieux funèbres,
Pleins d’une large volupté,
Jusqu’au fond de l’éternité
Retentiront dans les ténèbres.

Toc ! toc ! toc !…, etc.

Un jour, — bientôt, — quand ? — je l’ignore,
À quatre pas de ta maison.
J’irai dormir sous le gazon,
Que tu seras charmante encore !

Toc ! toc ! toc !…, etc.

Ce jour-là, ce jour-là, ma belle,
Au lieu d’œillets et de lilas.
Mon bouquet d’amoureux, hélas !
Sera fait de jaune immortelle.

Toc ! toc ! toc !…, etc.

À l’heure où, selon nos coutumes,
La maîtresse attendait l’amant,
Je me mêlerai tristement
Au troupeau des galants posthumes.

Toc ! toc ! toc !… etc.

Quelque autre aura ta foi complète.
Je te suivrai comme eux, ce soir.
Et tu t’amuseras à voir
Les soubresauts de mon squelette !

Toc ! toc ! toc ! on entend le bruit
Du vieux qui bêche dans la nuit.